CERPHI

 

Libertinage et science dans le premier XVIIe siècle : le matérialisme de Savinien Cyrano de Bergerac

Sous la direc­tion de Mme Francine Markovits-Pessel (Université Paris X Nanterre), pré­sen­tée le 24 novem­bre 2006 devant un jury cons­ti­tué de M. Olivier Bloch (Université Paris I), Mme Francine Markovits-Pessel (Université Paris X), M. Antony McKenna (Université de Saint-Étienne), M. Pierre-François Moreau (ENS LSH Lyon), M. Jean Seidengart (Université Paris X).

Je me suis donné pour objet d’étudier la dimen­sion phi­lo­so­phi­que de l’œuvre de Cyrano de Bergerac. La thèse que je défends, est que Cyrano cons­truit un maté­ria­lisme radi­cal, qui lui permet de se passer de l’idée de Dieu. Plaçant au cœur de ce maté­ria­lisme la connais­sance de la nature, il met la phy­si­que au ser­vice d’une mise en ques­tion concep­tuel­le­ment élaborée de l’exis­tence de Dieu.

Au sein de la recher­che sur Cyrano, j’ai ainsi choisi la voie encore peu emprun­tée d’une étude pro­pre­ment phi­lo­so­phi­que de l’œuvre, alors qu’elle a été jusqu’à pré­sent prin­ci­pa­le­ment l’objet de la recher­che lit­té­raire.

En outre, contre une lec­ture cou­rante de l’œuvre, qui consi­dère que Cyrano n’adopte aucune posi­tion phi­lo­so­phi­que déter­mi­née, j’ai tenté de déga­ger la cohé­rence et la force de sa posi­tion maté­ria­liste.

Enfin, alors même qu’on a long­temps consi­déré que le liber­ti­nage érudit était resté étranger à la révo­lu­tion scien­ti­fi­que, je me suis ins­crite dans le mou­ve­ment de la recher­che qui tend à reconsi­dé­rer une telle posi­tion, en mon­trant que Cyrano met­tait au ser­vice de son projet liber­tin, qui consiste à mettre en ques­tion l’exis­tence de Dieu, non seu­le­ment des phi­lo­so­phies anti­ques, mais encore la phi­lo­so­phie et la science de son temps.

1) Cyrano et la philosophie

En me don­nant pour objet d’appré­hen­der l’œuvre de Cyrano de Bergerac d’un point de vue phi­lo­so­phi­que, j’ai sou­haité mon­trer, non seu­le­ment qu’on pou­vait phi­lo­so­pher à propos de Cyrano, mais encore qu’on pou­vait le faire avec lui.

Si l’œuvre cyra­nienne a été l’objet, depuis les années soixante-dix, d’un inté­rêt renou­velé de la part de la recher­che lit­té­raire, elle a conti­nué à être géné­ra­le­ment igno­rée par la recher­che phi­lo­so­phi­que. Olivier Bloch a cepen­dant ouvert la voie à une étude pro­pre­ment phi­lo­so­phi­que de l’œuvre, et c’est en me pla­çant dans la conti­nuité de ses tra­vaux que j’ai essayé de cons­truire une inter­pré­ta­tion d’ensem­ble de l’œuvre de Cyrano, qui en dégage la force et la cohé­rence concep­tuelle.

La dif­fi­culté mais aussi l’inté­rêt d’une telle entre­prise réside dans le fait que, mis à part un traité de Physique ina­chevé et dont l’attri­bu­tion lui est contes­tée, Cyrano s’est exprimé à tra­vers des genres qui ne se rap­por­tent pas tra­di­tion­nel­le­ment au dis­cours phi­lo­so­phi­que : des Lettres fic­ti­ves, deux pièces de théâ­tre, Le Pédant Joué et La Mort d’Agrippine, et deux romans, Les Etats et Empires de la Lune et Les Etats et Empires du Soleil.

Pourtant, dans son théâ­tre, et plus par­ti­cu­liè­re­ment dans sa tra­gé­die La Mort d’Agrippine, comme dans ses Lettres fic­ti­ves, Cyrano fait affleu­rer des prises de posi­tion phi­lo­so­phi­ques. Leur pré­sence est déjà l’ins­tru­ment d’un combat en faveur de cer­tai­nes thèses. Mais la simple affir­ma­tion de thèses se dis­tin­gue de leur élaboration concep­tuelle et de leur démons­tra­tion. C’est seu­le­ment dans les romans que Cyrano met en œuvre une démar­che réflexive et argu­men­ta­tive. Le cœur de mon tra­vail a donc consisté dans l’étude des deux romans. C’est en fonc­tion de cette étude que j’ai exa­miné en regard le mode d’expo­si­tion spé­ci­fi­que de ces thèses dans le théâ­tre et les let­tres. Et c’est sépa­ré­ment que j’ai choisi d’étudier le Fragment de Physique.

J’ai consi­déré qu’on pou­vait affir­mer qu’un tra­vail pro­pre­ment phi­lo­so­phi­que est conduit dans les romans, dans la mesure où une cohé­rence concep­tuelle peut être déga­gée, et dans la mesure où les thèses défen­dues y sont non seu­le­ment affir­mées, mais démon­trées.

Cependant, il faut pren­dre en compte que ce tra­vail s’effec­tue volon­tai­re­ment à tra­vers la forme non conven­tion­nelle du roman. C’est que Cyrano se pro­pose ainsi de phi­lo­so­pher autre­ment. En reje­tant la forme du traité, il conduit un tra­vail qui se veut expres­sé­ment non sys­té­ma­ti­que. En éclatant l’expo­si­tion des thèses en plu­sieurs endroits du récit, il demande la par­ti­ci­pa­tion active de son lec­teur, qui doit mettre en rela­tion les thèses expo­sées, les confron­ter et conduire lui-même les conclu­sions qui résul­tent de cette confron­ta­tion. En met­tant à contri­bu­tion non seu­le­ment les expo­sés argu­men­tés des dif­fé­rents per­son­na­ges, mais encore l’ensem­ble des éléments du récit, Cyrano accorde une place cen­trale à l’ima­gi­na­tion. Mais l’ima­gi­na­tion se conçoit alors comme la moda­lité prin­ci­pale de la pensée, qui, même lorsqu’elle élabore des fic­tions, conti­nue à nous per­met­tre d’appré­hen­der le réel.

A tra­vers ses romans, ses let­tres et son théâ­tre, il est vrai que Cyrano s’amuse de et avec la phi­lo­so­phie. Mais ce n’est pas parce que la phi­lo­so­phie est déconsi­dé­rée : c’est parce que la phi­lo­so­phie doit se faire en riant. Il ne s’agit pas de dire n’importe quoi, mais de pren­dre le tra­vail phi­lo­so­phi­que au sérieux jus­te­ment parce qu’on accepte d’y rire. Il ne faut donc pas oppo­ser la figure d’un Cyrano qui s’amuse à celle d’un Cyrano qui phi­lo­so­phe, mais au contraire les appré­hen­der d’un même mou­ve­ment. L’exer­cice de la pensée est pour Cyrano jubi­la­toire.

2) La spécificité du matérialisme cyranien

Quelle est donc la posi­tion phi­lo­so­phi­que élaborée par Cyrano ? J’ai essayé de mon­trer que c’est une posi­tion maté­ria­liste claire : Cyrano se pro­pose de conce­voir tout ce qui est à partir de la seule matière.

Je me suis ainsi oppo­sée à une lec­ture qui conclut, de ce que Cyrano exa­mine une plu­ra­lité d’hypo­thè­ses, à ce qu’il les ren­voie dos à dos. Au contraire, j’ai consi­déré que l’ori­gi­na­lité de la démar­che cyra­nienne consis­tait à répon­dre à l’exi­gence maté­ria­liste de façon plu­ra­liste. Cyrano ne s’atta­che pas en effet à n’importe quelle hypo­thèse, mais envi­sage plu­sieurs façons d’appré­hen­der le réel comme maté­riel de part en part. Ainsi, son plu­ra­lisme n’est pas des­tiné à sou­li­gner l’incer­ti­tude de nos connais­san­ces, mais à refu­ser de tran­cher dog­ma­ti­que­ment entre dif­fé­rents sys­tè­mes d’expli­ca­tion pos­si­bles. Ainsi, en exa­mi­nant plu­sieurs sys­tè­mes maté­ria­lis­tes, il montre qu’il est pos­si­ble de se conten­ter de la matière pour tout expli­quer. La thèse maté­ria­liste n’est pas posée dog­ma­ti­que­ment, mais légi­ti­mée parce qu’il est pos­si­ble de la cons­truire.

Si plu­sieurs hypo­thè­ses sont pos­si­bles, c’est que, dire qu’il n’y a que de la matière, et qu’elle suffit à tout expli­quer, peut ren­voyer à une diver­sité de concep­tions de la matière, de ses pro­prié­tés, et des lois qui la régis­sent. La matière est-elle une, ou y a-t-il une plu­ra­lité irré­duc­ti­ble de prin­ci­pes maté­riels ? La matière est-elle conti­nue, ou dis­conti­nue ? Comment défi­nir et conce­voir l’acti­vité de la matière ? Comment la matière se meut-elle ? Dire qu’il n’y a que de la matière, et qu’elle suffit à tout expli­quer, ren­voie également à une plu­ra­lité d’expli­ca­tions, une plu­ra­lité de concep­tions de la façon dont le monde s’orga­nise, une plu­ra­lité de façons de conce­voir les lois de la nature. Différentes thèses sont exa­mi­nées et confron­tées les unes aux autres, cons­trui­sant une inter­ro­ga­tion tout autant que pro­po­sant des répon­ses.

Ce que Cyrano exa­mine, c’est la nature de la matière, pour en déduire l’expli­ca­tion des phé­no­mè­nes. Ainsi, il ne s’atta­che pas à l’étude concrète des corps du monde visi­ble. Il semble ainsi mettre l’accent sur la recher­che de l’essence et non sur celle des rela­tions entre les phé­no­mè­nes. Cependant, le fait que les concep­tions de la nature de la matière soient mul­ti­ples modi­fie la pers­pec­tive : si c’est à partir de la nature de la matière qu’on expli­que les phé­no­mè­nes, il n’en reste pas moins que l’effi­ca­cité expli­ca­tive prime sur la connais­sance de l’essence.

Soulignons alors que ce qui demeure cen­tral, à tra­vers cha­cune des thèses envi­sa­gées, c’est une concep­tion de la nature au sein de laquelle tout est pos­si­ble, même le plus extra­or­di­naire, parce que la matière peut tout faire. Les poten­tia­li­tés de la matière sont infi­nies, même si nous n’en obser­vons qu’une partie. Ce qui importe, ce n’est pas tant la régu­la­rité des lois, que la richesse des phé­no­mè­nes.

En outre, ce que Cyrano sou­li­gne, c’est qu’il n’y a pas lieu de penser que tout ce qui existe soit lié dans une unité. Les lois, les règles, ne sont jamais que loca­les, au niveau d’un monde. Des unités peu­vent sur­ve­nir, avec des rap­ports, à partir du hasard, et on peut voir naître des lois pro­pres à un monde donné. Cependant, les éléments ne sont pas a priori des par­ties d’un tout : a priori, le réel est divers. C’est pour­quoi Cyrano pense la diver­sité des réa­li­sa­tions de la matière en affir­mant la plu­ra­lité des mondes. Il ne pense pas cette plu­ra­lité à l’inté­rieur de l’unité. Sa démar­che se dis­tin­gue de celle de Bruno ou de Descartes, qui consi­dè­rent qu’il y a une infi­nité de mondes parce que l’uni­vers est infini, et cher­chent à penser le monde à la fois comme infini et comme un, à com­bi­ner l’idée d’un cosmos qui est un tout doté d’une forme uni­taire, avec celle d’un uni­vers infini et homo­gène. Il affirme en effet l’infi­nité de l’uni­vers comme consé­quence du déploie­ment à l’infini d’une plu­ra­lité de mondes, et pense cette plu­ra­lité sans la sub­su­mer sous une unité. Soulignons que s’il y a une plu­ra­lité de façons de conce­voir la façon dont les mondes peu­vent se former et se détruire, Cyrano ne main­tient aucune équivalence entre les dif­fé­rents sys­tè­mes du monde : la Terre est une pla­nète qui tourne avec les autres autour du Soleil, et ce sys­tème n’est qu’un monde parmi une infi­nité d’autres qui s’étendent dans l’infi­nité de l’uni­vers. La défense d’une telle posi­tion se cons­truit non seu­le­ment à tra­vers des expo­sés argu­men­tés, mais encore à tra­vers sa repré­sen­ta­tion concrète au sein du récit. C’est à une véri­ta­ble expé­rience en pensée que Cyrano convie son lec­teur, en l’invi­tant à chan­ger de point de vue, et à envi­sa­ger les varia­tions indui­tes dans la façon dont on per­çoit la struc­ture de l’uni­vers selon qu’on se place sur la Terre, sur la Lune ou encore sur le Soleil.

L’appré­hen­sion cyra­nienne de tout ce qui est à partir de la seule matière ne s’atta­che pas seu­le­ment à la for­ma­tion et au fonc­tion­ne­ment du monde, mais également à la concep­tion de la vie, de la sen­si­bi­lité et de la pensée. Là encore, plu­sieurs posi­tions sont pos­si­bles : sont-elles le fruit d’une cer­taine confi­gu­ra­tion de la matière, où appar­tien­nent-elles à la matière comme des pro­prié­tés ? Doit-on les attri­buer à une partie maté­rielle du corps appe­lée l’âme, ou les penser comme un effet de la confi­gu­ra­tion du corps tout entier ? Si plu­sieurs options peu­vent être rete­nues, elles per­met­tent toutes de penser les hommes comme maté­riels de part en part. De plus, Cyrano lie la maté­ria­lité de l’âme à sa mor­ta­lité : les hommes ne sont que des assem­bla­ges tem­po­rai­res de matière.

Cyrano envi­sage alors les consé­quen­ces éthiques d’une phy­si­que maté­ria­liste : si le réel est maté­riel de part en part, l’éthique est indis­so­cia­ble de la phy­si­que. Non seu­le­ment l’éthique repose sur la phy­si­que, mais la pra­ti­que de la phy­si­que com­porte une dimen­sion éthique. Tout en sou­li­gnant la rela­ti­vité des normes, il pose alors comme prin­cipe de suivre la nature, et fait de la vie une valeur en elle-même.

3) Libertinage et science

Cyrano est un liber­tin. J’ai choisi de me situer dans le cou­rant de la recher­che qui défi­nit les liber­tins érudits du XVIIe siècle comme un ensem­ble d’auteurs qui déve­lop­pent une posi­tion irré­li­gieuse ; éminemment sub­ver­sive, cette impiété doit s’envi­sa­ger tant sur le plan tant intel­lec­tuel que moral. Il est vrai que cela peut recou­vrir une diver­sité de posi­tions : cri­ti­que de la reli­gion en géné­ral ou du chris­tia­nisme en par­ti­cu­lier, cri­ti­que des ins­ti­tu­tions ou cri­ti­que de la foi, mise en ques­tion de cer­tains dogmes et croyan­ces, ou de l’exis­tence de Dieu elle-même, mise en cause de l’exis­tence de Dieu tel qu’il est conçu dans la reli­gion chré­tienne, ou de Dieu quel qu’il soit... Le liber­ti­nage cyra­nien est pour sa part à la fois phi­lo­so­phi­que­ment élaboré et radi­cal. Il se pro­pose de mon­trer qu’on peut entiè­re­ment se passer de l’idée de Dieu.

En effet, en fai­sant de la matière le seul prin­cipe des êtres, et le seul prin­cipe expli­ca­tif, Cyrano non seu­le­ment exclut tout prin­cipe imma­té­riel, mais encore toute idée de Dieu. Il n’y a pas besoin d’un Dieu, ni pour créer la matière, ni pour l’orga­ni­ser, ni pour tenir ensem­ble tous les éléments et garan­tir la régu­la­rité des lois qui régis­sent les phé­no­mè­nes. Et si la phy­si­que peut se passer de l’idée de Dieu, l’éthique le peut également, car le monde n’est régi par aucune Providence.

Sa mise en ques­tion de l’exis­tence de Dieu se veut, non pas dog­ma­ti­que, mais phi­lo­so­phi­que­ment fondée. Il s’agit d’élaborer une concep­tion du monde se pas­sant com­plè­te­ment de l’exis­tence de Dieu et qui soit concep­tuel­le­ment solide.

Avoir recours à l’idée de Dieu, au contraire, c’est se sauver des bras d’un nain à misé­ri­corde d’un géant, c’est-à-dire tenter d’expli­quer ce qu’on ne par­vient pas à com­pren­dre par quel­que chose d’encore plus incom­pré­hen­si­ble.

Ce qui est alors par­ti­cu­liè­re­ment radi­cal dans la démar­che cyra­nienne, c’est qu’elle met en ques­tion, non seu­le­ment le Dieu du chris­tia­nisme, mais également celui des phi­lo­so­phes. Il n’y a nul besoin d’un Dieu au fon­de­ment de la phy­si­que, comme garant, cause et prin­cipe des lois de la nature, comme prin­cipe ou ori­gine du mou­ve­ment.

En refu­sant le recours à Dieu comme fon­de­ment et garant de la science, Cyrano reste-t-il en marge du « mou­ve­ment scien­ti­fi­que » ? Il ne l’est pas, dans la mesure où il rejette l’aris­to­té­lisme, met­tant en cause, non seu­le­ment le cosmos aris­to­té­li­cien, mais encore toute sa phy­si­que. Il ne l’est pas, dans la mesure où il s’inté­resse gran­de­ment au mou­ve­ment d’élaboration d’une nou­velle phy­si­que, et à ses enjeux pro­pres. Pour Cyrano, tout s’expli­que par la matière et le mou­ve­ment, et il s’atta­che en par­ti­cu­lier à confron­ter les dif­fé­ren­tes moda­li­tés du méca­nisme qui se cons­trui­sent : le méca­nisme de Descartes, mais aussi l’ato­misme, renou­velé en par­ti­cu­lier par Gassendi. Il est vrai cepen­dant que l’établissement des lois du mou­ve­ment ne l’inté­resse guère. De plus, s’il consi­dère qu’il n’y a nul besoin d’un Dieu pour fonder la phy­si­que, c’est qu’il ne cher­che, ni à garan­tir une cer­ti­tude apo­dic­ti­que au contenu de la phy­si­que, ni à établir l’uni­ver­sa­lité, la cons­tance et la régu­la­rité des lois de la nature. On peut faire l’hypo­thèse que son athéisme irait de pair avec sa concep­tion plu­ra­liste de la connais­sance de la nature.

Cyrano uti­lise donc la science de son temps au profit de son projet, pour mon­trer qu’on peut se passer entiè­re­ment de l’idée de Dieu pour appré­hen­der les phé­no­mè­nes de la nature. Il intè­gre ainsi une réflexion sur les bou­le­ver­se­ments de la science au sein d’un projet qui est plus large, mais qui en même temps n’englobe pas l’ensem­ble des pro­blè­mes pro­pre­ment scien­ti­fi­ques. Il s’agit pour lui, non pas de pro­po­ser une nou­velle phy­si­que, mais de s’inté­res­ser au tra­vail des nova­teurs dans la mesure où il s’intè­gre à son entre­prise.

En consi­dé­rant qu’une phy­si­que consé­quente non seu­le­ment doit se cons­truire à côté de la reli­gion, mais encore peut conduire à mettre en ques­tion l’exis­tence de Dieu, Cyrano s’écarte de la démar­che des nova­teurs qui, comme Galilée, cher­chent à auto­no­mi­ser le champ scien­ti­fi­que du champ reli­gieux en conser­vant au second toute sa légi­ti­mité. Pour Cyrano, la connais­sance scien­ti­fi­que doit per­met­tre de s’affran­chir de toute croyance reli­gieuse.

Cette étude se vou­drait ainsi une contri­bu­tion, bien que limi­tée, à la réé­va­lua­tion des rap­ports du liber­ti­nage et de la révo­lu­tion scien­ti­fi­que, qui avaient été long­temps consi­dé­rés comme inexis­tants. Il fau­drait à pré­sent juger de la repré­sen­ta­ti­vité d’une telle démar­che au sein du liber­ti­nage, dans une étude d’ensem­ble qui reste encore à faire.