Histoire de la philosophie, histoire des idées
PERSPECTIVES & PROBLEMATIQUES
Quelles démarches, quels outils ?
Cette première séance de travail du Groupe «
Histoire de la philosophie – histoire des idées » a pour
objectif de mettre en place la problématique générale
et les orientations de recherche que nous souhaitons nous donner. Ce texte
inaugural, loin d’être “définitif”, a donc
une valeur essentiellement programmatique.
Il s’agit d’une part, de définir les objectifs, de justifier
nos choix et de positionner notre groupe par rapport aux différentes
recherches déjà existantes en ce domaine ; d’autre part,
de circonscrire en conséquence la période de l’histoire
de la philosophie sur laquelle nous concentrerons nos travaux.
Concernant l’orientation d’ensemble de nos objectifs théoriques,
il ne s’agit pas d’alimenter une polémique ou de faire
quelque moderne exercitation — même si certains traits
ou expressions peuvent prendre, ici où là, la forme d’une
dispute — mais de considérer les rapprochements possibles entre
deux disciplines, l’histoire de la philosophie et l’histoire des
idées. Ces deux disciplines prétendent sortir du cadre de l’Histoire
en général (en tant qu’elle-même est une discipline
à part entière), pour fournir un modèle de compréhension
opérant et autonome d’un objet qui a trait à la philosophie.
L’histoire de la philosophie est étudiée par les philosophes,
elle ne se laisse pas saisir par l’Histoire mais par la Philosophie.
Nous ne reviendrons pas, tout au moins pour l’instant, sur les liens
qui se tissent entre Philosophie et Histoire, car notre propos n’est
pas de définir une philosophie de l’histoire, mais bien de penser
la pratique de l’histoire de la philosophie.
Il conviendrait de donner, ou au moins de tenter de donner une définition
de l’histoire de la philosophie tant comme discipline que comme pratique.
Une telle démarche, pour être rigoureuse, doit chercher à
comprendre, d’abord, comment la conscience de son historicité
est apparue à la philosophie, quel procès elle a pu suivre,
quel cheminement elle a suivi. Il s’agirait de faire une histoire de
l’histoire de la philosophie.
Il faudrait se demander dans quelles conditions l’esprit philosophique
s’est accepté comme historique, et comment, aujourd’hui,
il se veut historien. Questions que déjà, en son temps, l’hégélianisme
se posait et résolvait à sa façon et selon son mode propre.
Pour Hegel, la philosophie est compréhension du mouvement de l’esprit
vivant, ce que la philosophie doit chercher à comprendre, c’est
l’idée manifestée par l’esprit vivant. Aussi, l’histoire
de la philosophie présente-t-elle pour Hegel un double aspect : d’abord
l’aspect de la manifestation nécessaire et phénoménale
de la pensée ; une suite de pensées apparaissant à des
degrés de progression régis par une logique que la philosophie
peut – et a pour tâche de – exprimer comme tel et de manière
consciente. Ensuite, il y a bien sûr, chez Hegel, l’idée
du développement dans le temps, idée d’un mouvement sur
la scène de l’histoire où les pensées apparaissent,
naissent en quelque sorte, se développent et, parfois aussi, disparaissent.
C’est pourquoi, sous ce double aspect, l’histoire de la philosophie,
selon Hegel, est non seulement philosophique mais encore philosophante : l’étude
de l’histoire de la philosophie est l’étude de la philosophie
elle-même. Aucune réflexion philosophique ne peut, selon lui,
s’inscrire en dehors de cette réflexion sur l’histoire
de la philosophie elle-même. Il s’agit donc à la fois d’une
pratique historique, mais aussi et surtout d’une pratique réflexive.
Ici, l’ensemble du développement philosophique est considéré
comme une seule et unique philosophie dont chaque philosophie particulière
ne constituerait que les moments singuliers. Le travail de l’historien
de la philosophie serait, dès lors, un travail d’unification
des moments, d’élucidation des rapports singuliers des philosophies
particulières au sein du développement général
de la Philosophie, celui-ci rendant a posteriori intelligible chacune
des séquences passées.
De son côté, l’histoire des idées ne se présente
pas sous une forme aussi systématique, elle n’offre pas la vision
d’un développement constant – sans être forcément
régulier –, ses objets sont plus incertains, elle ne se laisse
pas saisir par la seule compréhension du procès de la raison.
Moins prestigieuse que sa consœur philosophique, l’histoire des
idées semble parfois n’être qu’une sorte de rafistolage
a posteriori de moments décousus.
Si l’histoire de la philosophie échappe à l’Histoire
et à ses contingences parce qu’elle s’inscrit dans l’ordre
des raisons, l’histoire des idées reste au moins en partie engluée
dans l’opinion et le discours quotidien, marquée par l’absence
de rigueur que seule procure une rationalité forte, exhibée
dans des concepts définis, des procédures spécifiques,
une architectonique propre – bref, tout ce qui fait de chaque philosophie
un système.
Toutefois, si l’histoire des idées est ainsi dévalorisée,
la posture assumée par l’histoire de la philosophie est-elle
pour autant toujours satisfaisante ? Ce qui est en question, c’est le
statut particulier accordé aux idées philosophiques, par rapport
aux autres idées, présentées comme de second ordre.
D’où cette première question : Est-il légitime
d’admettre que les idées philosophiques, dont il s’agit
de faire l’histoire, sont sans commune mesure ni rapport possible avec
les autres idées ? Car si on admet qu’il n’y a pas de différence
de nature, mais plutôt un phénomène de structure lié
à la systématicité du discours philosophique, il devient
nécessaire de réévaluer le phénomène d’élection
d’une idée à la philosophie. Le procédé
d’extraction ne se conçoit qu’à partir du moment
où l’on accepte d’inclure l’histoire de la philosophie
dans le cadre plus “général” de l’histoire
des idées.
Voyons donc quel est ce cadre général de l’histoire des
idées, et partons de la longue définition que Michel Foucault
donne de l’histoire des idées dans l’Archéologie
du savoir :
« Il n’est pas facile de caractériser une discipline comme
l’histoire des idées : objet incertain, frontières mal
dessinées, méthodes empruntées de droite et de gauche,
démarche sans rectitude ni fixité. Il semble cependant qu’on
puisse lui reconnaître deux rôles. D’une part, elle raconte
l’histoire des à-côtés et des marges. Non point
l’histoire des sciences, mais celle de ces connaissances imparfaites,
mal fondées, qui n’ont jamais pu atteindre tout au long d’une
vie obstinée la forme de la scientificité (histoire de l’alchimie
plutôt que de la chimie, des esprits animaux plutôt que de la
psychologie, histoire des thèmes atomistes et non de la physique).
Histoire de ces philosophies d’ombre qui hantent les littératures,
l’art, les sciences, le droit, la morale et jusqu’à la
vie quotidienne des hommes ; histoire de ces thématiques séculaires
qui ne se sont jamais cristallisées dans un système rigoureux
et individuel, mais qui ont formé la philosophie spontanée de
ceux qui ne philosophaient pas. Histoire non de la littérature mais
de cette rumeur latérale, de cette écriture quotidienne et si
vite effacée qui n’acquiert jamais le statut de l’œuvre
ou s’en trouve aussitôt déchue : analyse des sous-littératures,
des almanachs, des revues et des journaux, des succès fugitifs, des
auteurs inavouables. Ainsi définie – mais on voit tout de suite
combien il est difficile de lui fixer des limites précises –
l’histoire des idées s’adresse à toute cette insidieuse
pensée à tout ce jeu de représentations qui courent anonymement
entre les hommes ; dans l’interstice des grands monuments discursifs,
elle fait apparaître le sol friable sur lequel ils reposent. C’est
la discipline des langages flottants, des œuvres informes, des thèmes
non liés. Analyse des opinions plus que du savoir, des erreurs plus
que de la vérité, non des formes de pensée mais des types
de mentalité.
« Mais d’autre part l’histoire des idées se donne
pour tâche de traverser les disciplines existantes, de les traiter et
de les réinterpréter. Elle constitue alors, plutôt qu’un
domaine marginal, un style d’analyse, une mise en perspective. Elle
prend en charge le champ historique des sciences, des littératures
et des philosophies ; mais elle y décrit des connaissances qui ont
servi de fond empirique et non réfléchi à des formalisations
ultérieures ; elle essaie de retrouver l’expérience immédiate
que le discours transcrit ; elle suit la genèse qui, à partir
des représentations reçues ou acquises, vont donner naissance
à des systèmes et à des œuvres. Elle montre en revanche
comment peu à peu ces grandes figures ainsi constituées se décomposent
: comment les thèmes se dénouent, poursuivent leur vie isolée,
tombent en désuétude ou se recomposent sur un mode nouveau.
L’histoire des idées est alors la discipline des commencements
et des fins, la description des continuités obscures et des retours,
la reconstitution des développements dans la forme linéaire
de l’histoire. Mais elle peut aussi et par là même décrire,
d’un domaine à l’autre, tout le jeu des échanges
et des intermédiaires : elle montre comment le savoir scientifique
se diffuse, donne lieu à des concepts philosophiques, et prend forme
éventuellement dans des œuvres littéraires ; elle montre
comment des problèmes, des notions, des thèmes peuvent émigrer
du champ philosophique où ils ont été formulés
vers des discours scientifiques ou politiques ; elle met en rapport des œuvres
avec des institutions, des habitudes ou des comportements sociaux, des techniques,
des besoins et des pratiques muettes ; elle essaie de faire revivre les formes
les plus élaborées de discours dans le paysage concret, dans
le milieu de croissance et de développement qui les a vues naître.
Elle devient alors la discipline des interférences, la description
des cercles concentriques qui entourent les œuvres, les soulignent, les
relient entre elles et les insèrent dans tout ce qui n’est pas
elles.
« On voit bien comment ces deux rôles de l’histoire des
idées s’articulent l’un sur l’autre. Sous sa forme
la plus générale, on peut dire qu’elle décrit sans
cesse – et dans toutes les directions où il s’effectue
– le passage de la non-philosophie à la philosophie, de la non-scientificité
à la science, de la non-littérature à l’œuvre
elle-même. Elle est l’analyse des naissances sourdes, des correspondances
lointaines, des permanences qui s’obstinent au-dessous des changements
apparents, des lentes formations qui profitent des mille complicités
aveugles, de ces figures globales qui se nouent peu à peu et soudain
se condensent dans la fine pointe de l’œuvre. Genèse,
continuité, totalisation : ce sont là les grands thèmes
de l’histoire des idées, et ce par quoi elle se rattache à
une certaine forme, maintenant traditionnelle, d’analyse historique.
Il est normal dans ces conditions que toute personne qui se fait encore de
l’histoire, de ses méthodes, de ses exigences et de ses possibilités,
cette idée désormais un peu flétrie, ne puisse pas concevoir
qu’on abandonne une discipline comme l’histoire des idées
; ou plutôt considère que toute autre forme d’analyse des
discours est une trahison de l’histoire elle-même. Or la description
archéologique est précisément abandon de l’histoire
des idées, refus systématique de ses postulats et de ses procédures,
tentative pour faire une tout autre histoire de ce que les hommes ont dit.
Que certains ne reconnaissent point dans cette entreprise l’histoire
de leur enfance, qu’ils pleurent celle-ci, et qu’ils invoquent,
à une grande ombre d’autrefois, prouve à coup sûr
l’extrême de leur fidélité. Mais ce zèle
conservateur me confirme dans mon propos et m’assure de ce que j’ai
voulu faire (1). »
On voit bien ici que Foucault, en décrivant ces deux rôles de
l’histoire des idées, tente de la distinguer de la philosophie
elle-même à la fois par ses objets et par sa méthode.
L’histoire des idées n’aurait pas exactement les mêmes
objets que la philosophie et ne procéderait pas, face à ces
objets, de la même manière que la philosophie. L’histoire
des idées serait la discipline des commencements et des fins, la
description des continuités obscures et des retours, la reconstitution
des développements dans la forme linéaire de l’histoire.
Elle manque de rigueur, s’attachant à tout ce qui est inférieur
à une élaboration rationnelle cohérente, à tout
ce qui n’est pas de la philosophie et ne le sera jamais. Si elle met
bien les choses en perspective, elle ne s’adresse qu’au fond empirique
et non réfléchi de ces choses, elle n’a pas de visée
systématique, elle ne s’occupe pas des « monuments discursifs
». Elle est une sorte d’analyse historique au rabais, que l’archéologie
prétend abandonner.
Dans une certaine mesure – correspondant au second moment du texte –,
on peut penser que Foucault poursuit ici les mêmes intentions que dans
l’ensemble de son ouvrage ; il procède à des ruptures.
Cette fois, il ne s’agit pas de montrer qu’il n’y a pas
de continuité historique possible d’une époque à
l’autre, mais de montrer qu’aucun passage ne se fait d’un
système d’analyse de l’histoire à un autre système
d’analyse de l’histoire. Car Foucault conçoit bien l’histoire
des idées comme un système d’analyse : Genèse,
continuité, totalisation : ce sont là les grands thèmes
de l’histoire des idées, et ce par quoi elle se rattache à
une certaine forme, maintenant traditionnelle, d’analyse historique.
Ce qui semble, au fond, déranger Foucault, avec l’histoire des
idées, c’est qu’elle échappe totalement à
la thèse discontinuiste. Elle tente d’établir des liaisons,
elle creuse, telle une taupe, dans les méandres sombres du souterrain
de l’histoire. Elle ne cherche pas à considérer l’histoire
officielle, celle des puissants et des rois, pas plus qu’elle ne raconte
les grandes batailles. Lorsqu’elle envisage la philosophie, elle agit
également de la sorte. Non qu’elle se désintéresse
des grands hommes, mais c’est au « peuple » de la philosophie
qu’elle s’adresse, figures oubliées, sources cachées
des pensées les plus consensuelles. Car elle ne gîte pas seulement
dans le souterrain, elle a, avec la surface, des liens profonds ; elle ne
se contente pas, comme voudrait le faire croire Michel Foucault, de l’étude
des almanachs, elle essaie de faire revivre les formes les plus élaborées
de discours dans le paysage concret, dans le milieu de croissance et de développement
qui les a vues naître. Elle devient alors la discipline des interférences,
la description des cercles concentriques qui entourent les œuvres, les
soulignent, les relient entre elles et les insèrent dans tout ce qui
n’est pas elles.
Si on maintient qu’il n’y a aucune passerelle entre histoire des
idées et histoire de la philosophie (comprise comme archéologie
du savoir ?), on en vient à considérer que la philosophie fonctionne
en huis-clos : Ne serait-il pas erroné de prétendre que la philosophie
ne peut se nourrir que d’elle-même ? Non seulement il y aurait
là probablement une erreur de jugement, mais encore cela contraindrait
la philosophie à se tenir dans un territoire clos où elle ne
rencontrerait qu’elle-même et ne pourrait se saisir d’autres
objets que ceux desquels elle s’est toujours saisie.
La thèse rupturaliste pose donc un problème crucial. Si la philosophie
n’est pas un mode clos, mais se propose comme champ d’investigation
possible un univers infini, alors, elle doit bien opérer dans l’espace
de l’histoire. Elle ne peut être considérée comme
évanescente, et sans lien avec ce qui rétrospectivement paraît
diffus. Elle a un rapport avec les conditions réelles et matérielles
de son élaboration. Or, le moment où une philosophie particulière
apparaît n’est pas sans rapport avec les moments précédents.
Elle ne peut être indépendante de l’histoire.
Michel Foucault, « dans la limite de son champ d’investigation,
[il] fait alors apparaître que la culture dans laquelle nous vivons
n’a aucun rapport assignable avec celles qui l’ont précédée
: de l’une à l’autre les façons de penser diffèrent.
Les savants des diverses époques n’apportent pas de nouvelles
solutions à un même problème, mais ils affrontent de nouveaux
problèmes (2)» . Or, Michel
Foucault s’occupe-t-il de problèmes récents ou nouveaux
? Les problèmes qui l’occupent ne sont pas forcément nouveaux,
quoiqu’en dise Valéry : « Dans le passé, on n’avait
vu, en fait de nouveauté, paraître que des solutions ou des réponses
à des problèmes ou à des questions très anciennes,
sinon immémoriales. Mais notre nouveauté, à nous, consiste
dans l’inédit des questions elles-mêmes et non dans les
réponses (3)» . Foucault se
trouve dans une autre position, ses questions ne sont pas à proprement
parlé nouvelles, mais il s’en occupe et s’en inquiète
de façon nouvelle. En ce sens, ce ne sont pas tant ses réponses,
qui semblent être différentes, que la « méthode
» qu’il emploie.
Il apparaît que notre nouveauté à nous, qui n’est
ni celle de Valéry ni celle de Foucault, est presque exclusivement
contenue dans la méthode d’analyse. En effet, nous héritons
aujourd’hui à la fois de la méthode herméneutique
et de la méthode foucaldienne, lesquelles s’imposent à
un bout et à un autre des « tendances » de la philosophie
d’aujourd’hui, mais génèrent, au fond, les mêmes
problèmes, les mêmes difficultés. L’avènement
de la méthode herméneutique a occulté, dans le champ
des travaux philosophiques, l’histoire des idées. Or, et contre
toute attente, cette occultation s’est produite pour des raisons qui
nous semblent identiques à celles de Foucault, ou, du moins, qui inspirent
des paradoxes semblables. Notre nouveauté réside dans la nécessité
dans laquelle nous sommes placés de nous extraire de ce dilemme. Comment
en sortir ? Eh bien peut-être en cessant de scinder ces deux formes
particulières de l’histoire : d’un côté celle
qui s’occupe de la chose philosophique, et de l’autre celle qui
se contente des « idées » vagues et mal définies.
George Canguilhem avait déjà montré, dans son célèbre
article de la revue Critique, au moment de la parution de Les
Mots et les choses, le paradoxe de la méthode archéologique
de Michel Foucault :
« Mais alors, sans être transparentes l’une pour l’autre,
l’épistémè d’une époque et
l’histoire des idées de cette époque sous-tendue par l’épistémè
d’une autre ne sont pas tout à fait étrangères.
Si elles l’étaient, comment comprendre l’apparition, aujourd’hui,
dans un champ épistémologique sans précédent,
d’un ouvrage tel que Les Mots et les choses ? (…) Quand
Foucault reprend (p. 414-15), pour le savoir classique, la démonstration
d’archéologie qu’il a déjà donnée
p. 70-85, il invoque alors une « technique laborieuse et lente »
qui permettrait la reconstitution d’un réseau, il reconnaît
qu’il est « difficile de retrouver la manière dont cet
ensemble a pu fonctionner », il déclare que la pensée
classique a cessé de nous être « directement accessible
». Reste donc que laborieusement, lentement, difficilement, indirectement,
nous puissions, à partir de nos rives épistémologiques,
parvenir, en plongée, jusqu’à une épistémè
naufragée. De sorte que cette interdiction signifiée à
une certaine histoire de lever les sept sceaux qui ferment le livre du passé
revient peut-être à une invitation d’avoir à élaborer
une autre sorte d’histoire (4)»
.
Le désir d’élaborer une autre histoire, quelle
qu’elle soit, et pourquoi pas, dès lors, “archéologique”,
peut amener Foucault à avoir raison sur un certain nombre de points
– nous n’en doutons pas, nous sommes même persuadé
qu’il a raison sur des points qu’il est inutile de détailler
ici –, mais est-ce une raison suffisante pour envoyer promener l’Histoire
? S’il n’est question que de méthode, aucune méthode,
si parfaite soit-elle, ne peut prétendre aboutir à des résultats
qu’aucune autre méthode n’aurait permis, à sa manière,
de découvrir. Dans cette perspective, essentiellement méthodologique,
l’analyse porte sur les difficultés de l’histoire de la
philosophie, qu’elle soit foucaldienne ou issue de l’école
herméneutique, à penser de manière cohérente une
théorie générale de la réception. Dans le cas
de l’archéologie foucaldienne, il s’agirait de comprendre
comment nous pouvons encore recevoir ce qui nous vient d’une période
historique avec laquelle nous sommes sans rapport. À suivre la méthode
herméneutique, il s’agirait de se poser en simples interprètes,
voire en simples exégètes, de corpus de textes établis
dans le passé et dont nous serions les réceptacles momentanés.
L’une et l’autre méthode aboutissant à ce même
résultat d’échouer à penser l’histoire de
la philosophie dans la continuité, et le discours philosophique comme
discours historiquement situé autrement que dans un ciel des idées.
Mais il n’est peut-être pas seulement question de méthode.
Plus exactement, il ne suffit pas d’ériger en science une théorie
générale de la réception pour résoudre de
facto un problème constitutif à l’histoire de la
philosophie. Que se passe-t-il dans l’analyse rupturaliste ? Avec quoi
cherche-t-on à rompre ? Avec quoi est-on si intimement lié qu’on
cherche à se point à rompre avec lui ? Car après tout,
pour rompre, il faut bien préalablement avoir été uni
!
Peut-être, est-ce avec l’idéologie – nous y reviendrons
– que le rupturalisme foucaldien cherche à rompre ? Mais y parvient-il
? Ne naît-il pas, alors, ce que Jacques D’Hondt appelle L’Idéologie
de la rupture ?
Suivons ici Jacques D’Hondt :
« Il arrive que des modernes interrupteurs dénoncent dans la
pensée continuiste une idéologie, au sens marxiste de ce mot,
c’est-à-dire une opinion mystificatrice, socialement chargée
de soutenir et de justifier la pratique conservatrice d’une classe sociale
privilégiée. Ils interpellent le continuisme : bas les masques
!
« Un tour à leur jouer – en riraient-ils les premiers ?
– consisterait à montrer que leur doctrine, du moins en certains
de ses avatars, se rattache elle-même à la pratique d’une
classe sociale, mais pas celle que l’on croit.
« En quoi le discontinuisme radical pourrait-il être l’ingrédient
d’une idéologie ? On n’ose guère, sur ce point,
que des hypothèses.
« Tout d’abord ce discontinuisme fait partie d’un système
global de représentations, elles-mêmes impliquées dans
une attitude définie par rapport à la réalité
sociale objective. Ce système communique sa couleur propre à
tous les domaines de la pensée : art, ethnologie, linguistique, politique…
Il nous presse d’observer les discontinuités effectives, partout
et toujours, le paroxysme, et de le tenir pour essentiel. Mais le bruit et
la fureur pourraient-ils jamais éclater sans le silence et la patience
? Engels notait que les crises en chaîne, violentes et apparentes, masquent
un effort continu plus important qu’elles, et qui, d’ailleurs,
ne peut être dissocié du bouleversement qualitatif fondamental
auquel il aboutit. Par exemple, « pendant que les sauvages combats
de la noblesse régnante emplissait de leur tapage tout le Moyen Âge,
le travail silencieux des classes opprimées avait miné le système
féodal dans toute l’Europe occidentale »…
« L’apologie de la seule rupture relève plus typiquement
de l’idéologie lorsqu’elle se présente elle-même
comme indépendante de toute condition extérieure, et, en particulier,
de toute situation sociale et de tout processus historique : une pensée
flottant sur les eaux, une théorie, au sens antique de ce terme, une
pensée qui méconnaît ou qui renie ses origines. Si l’on
en croit Engels : « L’idéologie est un processus que
le soi-disant penseur accomplit bien avec conscience, mais avec une conscience
fausse ».
« Les forces motrices véritables qui le meuvent lui restent inconnues,
sinon ce ne serait point un processus idéologique. Aussi imagine-t-il
des forces motrices fausses ou apparentes.
« Du fait que c’est un processus intellectuel, il en déduit
le contenu ainsi que la forme de la pensée pure, soit de sa propre
pensée, soit de celle de ses prédécesseurs. Il travaille
avec la seule documentation intellectuelle qu’il prend, sans la regarder
de près, comme émanant de la pensée et sans l’étudier
davantage dans son origine plus lointaine et indépendante de la pensée
; et cela est pour lui l’évidence même, car pour lui tout
acte étant transmis par la pensée lui apparaît en dernière
instance fondé également dans la pensée ».
« Une pensée qui s’imagine rompre avec ses sources, voilà
ce qu’Engels nomme l’idéologie. L’intention de «
théoriser » d’une manière inconditionnelle et anhisorique
signale une mystification fondamentale. Pour s’en préserver,
il faut prendre conscience de son propre enracinement : Amor fati
!
« Toutefois, pour confirmer le caractère idéologique de
cette mystification, il serait nécessaire de mener à bien la
démonstration la plus difficile, de prouver que la fascination de la
rupture est un destin social.
« On redoute, dans une telle entreprise, de céder trop vite aux
impressions premières, souvent trompeuses. Existe-t-il une classe sociale
pour laquelle, dans la mesure où l’on peut prévoir, ne
se dessine aucun avenir, et qui risque de n’avoir aucune progéniture
? Elle serait plus que toute autre encline à ressentir son détachement
du passé sans avoir conscience de liens quelconques avec un futur assignable.
Comment ce qui ne vient de nulle part pourrait-il conduire à quelque
chose ? Sans projet, pas de souvenir. La théorie de la rupture radicale
ne serait-elle pas, projetée illusoirement dans le passé, la
conceptualisation d’une absence de toute issue ? Elle séduirait
alors aisément une jeunesse bourgeois inquiète (5)»
.
Sans projet, pas de souvenir ! Preuve, peut-être que D’Hondt,
en 1971, avait déjà un pronostique assez juste : il y a aujourd’hui
une multitude de « foucaldiens ». Il faut bien qu’ils aient
quelque chose à se mettre sous la dent et, s’ils suivaient entièrement
la pensée du Maître, ce serait pour rompre avec lui, montrant
que de son époque à la nôtre aucune conséquence
ne peut être bonne et que l’abîme s’est encore un
peu plus creusé. Le monde qui est né avec Foucault aurait bien
dû, s’il avait été si nouveau que cela mourir en
même temps que lui, comme sont mortes toutes les autres époques
du passé. Or, on peut bien montrer, parce qu’il s’agit
précisément d’une philosophie importante, que Foucault
ne nous est pas devenu étranger, pas plus que Platon ou Descartes ne
le sont.
Pour être totalement foucaldien, il faudrait rompre avec Foucault !
Comme Foucault lui-même avait rompu avec ses prédécesseurs.
Mais disons pourtant les choses telles qu’elles sont « nous devons
nous montrer capable de saisir des événements ou des pensées
qui se sont produits dans le passé sans les dénaturer complètement,
sans les assimiler complètement à notre pensée présente.
Sans quoi, nous ne comparerions jamais notre propre épistémè
qu’avec elle-même. Il y a donc quelque chose de commun à
toutes les épistémès. Il est possible à
l’une d’entre elles, de saisir, de comprendre et d’analyser
honnêtement les autres (6) »
.
Si la rupture était aussi radicale qu’elle le dit, comment même
saurait-elle qu’elle est en rupture avec quoi que ce soit ?
Il y a là, chez Foucault, comme le montre D’Hondt, quelque chose
qui n’est pas sans rapport avec une sorte d’apocalypse sans Dieu
– la plus grande rupture pensable n’est-elle pas celle qu’instaurerait
l’apocalypse ? Ecoutons Foucault lui-même : « Je vis un
ciel nouveau, une terre nouvelle – le premier ciel en effet, et la première
terre ont disparu et de mer, il n’y en a plus. De pleur, de cri de souffrance,
il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé
».
« Du point de vue de la connaissance, commente D’Hondt, il s’agit
de voir ce qui vient et ce qui s’en va, sans ajout, sans rêver
d’un lien intrinsèque entre les visions, les apparitions, les
disparitions. C’est de la projection de diapositives. »
Qu’il le veuille ou non, Foucault relève aussi d’une forme
de tradition philosophique. Et il le sait, et l’avoue, même s’il
utilise pour cela un pseudonyme à peine trompeur :
« Si par pensée on entend l’acte qui pose, dans leurs diverses
relations possibles, un sujet et un objet, une histoire critique de la pensée
serait une analyse des conditions dans lesquelles sont formées ou modifiées
certaines relations de sujet à objet, dans la mesure où celles-ci
sont constitutives d’un savoir possible (7)
» .
Il s’agit donc bien pour lui d’élaborer une « histoire
critique de la pensée », et en cela, il se pose bien lui-même
dans la tradition de la philosophie critique kantienne. D’ailleurs,
il n’avait pas totalement renié ce grand ancêtre lorsqu’il
donna une très belle traduction de l’Anthropologie du point
de vue pragmatique.
Et cette histoire critique de la pensée que prétend faire Foucault
n’est, de ce point de vue, qu’une histoire de la rationalité
à l’œuvre dans…. « Mon travail, explique-t-il
dans une interview accordée au Campus report en 1972, n’a
pas pour but une histoire des institutions ou une histoire des idées,
mais l’histoire de la rationalité telle qu’elle opère
dans les institutions et dans la conduite des gens (8)
» .
Dans un tel contexte où se mêlent étroitement idéologie
et criticisme historique, on en vient à se poser finalement une question
: est-ce que la critique de l’histoire des idées ne masque pas
une autre forme de critique, celle de toutes les formes dites « mineures
» de philosophie, celle de tous les courants qui ne sont pas dominants,
celle du matérialisme, de l’athéisme, de la pensée
qui ne revendique pas et ne se revendique pas de l’Idée, de la
spiritualité, de l’universalité, mais au contraire du
lieu et du temps, du groupe et de la société, du contexte culturel
et religieux, bref d’une philosophie qui se veut « mondaine »,
comme on disait encore au début du XIXe siècle. Une philosophie
dans le monde, établie en référence au monde qu’elle
habite et qui l’habite, une philosophie faite pour le monde, ne se contentant
pas uniquement de l’interpréter ?
Là, peut-être, se niche la réelle idéologie, au
sens marxiste du mot. Si l’idée dominante est toujours celle
de la classe dominante, peut-on imaginer que l’idée philosophique
échappe à la généralité ? Et l’histoire
de la philosophie elle-même, qu’elle prenne pour modèle
l’archéologie foucaldienne ou l’herméneutique ricoeurienne,
échappe-telle au mouvement idéologique ? Si oui, l’étude
de l’histoire de la philosophie se bornerait à concevoir une
partie de la vie de l’esprit comme la vie de l’esprit toute entière.
La pensée Allemande entre 1780 et 1830 se bornerait-elle à l’expression
qui en est donnée par les figures de Kant, Fichte, Schelling et Hegel
? Peut-on même les envisager sans tenir compte de la réalité
historique de leur temps, sans considérer comme fondamental, par exemple,
l’événement unique de la Révolution Française
? De même, la philosophie française du XVIIe et du XVIIIe siècle
peut-elle réellement se comprendre sans lien au temps, sans rapport
avec l’ensemble des mouvements antireligieux qui naissent, sans toute
cette forme de pensée subversive qui se diffuse clandestinement ?
Période charnière, que les XVIIe et XVIIIe siècles, dans
l’histoire de la philosophie, et pour laquelle il apparaît crucial
de renouveler notre approche. À l’âge classique et aux
Lumières, la philosophie s’engage dans une voie qui non seulement
est nouvelle du point de vue même de ses propres contenus, mais encore
opère de façon radicalement neuve dans l’espace public.
La spécificité de sa situation tient à ce que, pour la
première fois dans l’histoire (sociale) de la philosophie, la
philosophie comme discipline et comme activité échappe en partie
aux facultés, à l’Université, à l’institution
enseignante (9). Même si on continue
alors à faire de la philosophie dans les collèges et dans les
établissements d’enseignement en général, et même
si beaucoup travaillent à transformer la philosophie produite ailleurs
en objet d’enseignement (cf. la diffusion du cartésianisme),
l’époque moderne constitue le seul moment où le lieu naturel
de la philosophie n’a pas été, aux yeux de tous, l’Université.
Dès lors que les philosophes ne sont plus (ou plus seulement) définis
par la pratique d’une discipline spécialisée au sein d’institutions
clairement visibles, l’histoire de la philosophie devient indissociable
d’une réflexion historique sur ses conditions de réception.
À l’époque moderne, les philosophes se signalent au public
par le fait qu’ils publient des livres qu’ils présentent
comme étant des livres de philosophie. Descartes philosophe, mais aussi
La Mothe Le Vayer ou Gabriel Naudé philosophes. Si notre propre conception
de l’histoire de la philosophie nous conduit à lire l’âge
classique comme étant celui des grands systèmes de Descartes,
Hobbes et Spinoza, et donc à lier la naissance de l’auteur-philosophe
à l’avènement d’une pensée systématique,
force est de constater que le lien perd de son évidence dès
lors que l’on se penche sur l’ensemble des livres présentés
comme relevant de la philosophie à cette époque. Autrement dit,
si c’est là que se cristallise le lien entre contenu philosophique
et objet-livre, c’est aussi à ce moment qu’il est peut-être
le plus intéressant de mettre en évidence les critères
ou les idéologies qui ont conduit à retenir certains auteurs,
plutôt que d’autres, comme relevant pleinement de l’histoire
de la philosophie.
Le corollaire de l’élection du livre au rang de support principal
de la philosophie, c’est qu’il devient essentiel de prendre en
compte les modalités concrètes de diffusion des textes. Au vu
de l’extension du marché du livre et avec lui, de celui du livre
de philosophie, au vu de l’augmentation du nombre de gens amenés
à prendre connaissance du débat philosophique par l’intermédiaire
de ces mêmes livres, peut-on, avec sérieux, s’engager dans
l’étude de cette période sans avoir une connaissance des
libraires et des imprimeurs, sans comprendre les réseaux qui se créent
au travers de l’Europe entière, sans saisir l’importance
des correspondances, des copies manuscrites, etc. ? À cette période,
le développement des idées philosophiques se trouve particulièrement
lié à ses modalités pratiques de diffusion. On sait que
les textes sont diffusés clandestinement ; manuscrits ou imprimés
circulent sous le manteau. L’histoire de la circulation des textes,
l’histoire des diverses copies, l’identification des manuscrits,
la bibliométrie, l’histoire du livre ont une importance cruciale
pour comprendre la formation des idées philosophiques, leur diffusion
et leur rayonnement ; et cela, à cette période tout particulièrement,
n’est pas seulement vrai pour ceux que l’on a coutume de nommer
– mauvais usage, au demeurant – les petits auteurs.
Auteur majeur / auteur mineur, il est impératif de mettre en lumière
les présupposés d’une analyse informée par notre
conception moderne du discours philosophique, constitué dans sa différence
par sa nécessité systématique.
Nous nous pencherons sur cette période, non pas tant
pour la comprendre en elle-même, que pour tenter de saisir quels sont,
aujourd’hui, les moyens dont nous disposons pour la comprendre. Quelles
analyses pour quelles fins ? Sommes-nous condamnés à jeter un
regard sur l’âge classique et les Lumières qui relève
d’une forme d’idéologie ou bien, au contraire, sommes-nous
susceptibles de former des outils capables, malgré la rétrospection,
d’éclairer notre vision de cette époque ? Devons-nous
nous résoudre à n’être que des interprètes
ou bien pouvons-nous produire nous-même une histoire de la philosophie
qui soit, elle aussi, philosophante ?
La philosophie de l’histoire, on le sait, est née au XVIIIe siècle
avec Voltaire, bien sûr, mais aussi avec Vico. Cette science nouvelle
devait être préparée depuis longtemps par le développement
du cartésianisme d’un côté, par le libertinage philosophique
de l’autre, mais aussi par des philosophies comme celle de Bayle et
par l’influence de la République des Lettres. Depuis le siècle
des Lumières, la philosophie de l’histoire a eu des fortunes
variées et parfois contradictoires. De l’hégélianisme
à l’herméneutique, du matérialisme historique à
la phénoménologie, la philosophie n’a pas cessé
depuis plus de deux siècles de se poser à elle-même la
question de sa propre histoire et du sens de son implication dans l’Histoire
mondiale et même parfois universelle.
Pas de prétention toutefois, dans nos travaux, à faire une énième
histoire de l’histoire de la philosophie ou à fonder de quelque
manière que ce soit une nouvelle philosophie de l’histoire. Il
s’agit de questionner les origines pour retrouver le sens même
des problèmes, voire des querelles, qui peuvent encore aujourd’hui
animer la pratique philosophique de l’histoire. Cette première
séance met en place les questions plutôt qu’elle n’esquisse
les réponses, et tente de se maintenir, un moment, en-deçà
des disputes pour en saisir la source et en dévoiler le sens, qu’il
soit idéologique, dogmatique ou malheureusement parfois, avouons-le,
carriériste.
Trop souvent, l’histoire – particulièrement dans sa dimension
philosophique – est envisagée comme un obstacle au développement
d’une pensée vive, et vivante. « Il n’y a, il est
vrai, que trop de raison de redouter le passé lorsqu’il prétend
se continuer dans le présent et s’éterniser, comme si
la seule durée créait quelque droit. Mais l’histoire est
précisément la discipline qui envisage le passé comme
tel, et qui, à mesure qu’elle le pénètre davantage,
voit, en chacun de ses moments, une originalité sans précédent
et qui jamais ne reviendra. Loin d’être une entrave, l’histoire
est donc, en philosophie comme partout, une véritable libératrice.
Elle seule, par la variété des vues qu’elle nous donne
de l’esprit humain, peut déraciner les préjugés
et suspendre les jugements trop hâtifs (10)
» .
C’est ainsi que l’histoire, lorsqu’elle est saisie par la
philosophie, continue bien à avoir affaire au passé, mais en
tant qu’elle-même envisage ce passé depuis le présent,
elle est en soi philosophie de l’histoire vivante.
Notes
(1) M. Foucault, Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969.
(2) Jacques D’Hondt, L’Idéologie de la rupture, Paris, P.U.F., 1978, p.16.
(3) Paul Valéry, Le Bilan de l’intelligence, cité in J. D, cité in J. D’Hondt, idem.
(4) Georges Canguilhem, « Mort de l’homme ou épuisement du Cogito ? », in Critique, juillet 1967, n° 242, p. 606.
(5) Jacques D’Hondt, op.cit. p. 19-21.
(6) Jacques D’Hondt, « Foucault : une pensée de la rupture », in Lectures de Michel Foucault, E. da Silva (dir), E.N.S. édition, Lyon, 2003, p.19-20.
(7) M. Florence (Michel Foucault), article « Foucault », in Dictionnaire des philosophes, Paris, P.U.F., nous soulignons.
(8) Interview reproduit in Dits et ecrits¸Paris, Gallimard, 1994, t. III, p.802.
(9) Cf. Dinah Ribard, Raconter, Vivre, Penser, histoires de philosophes 1650-1766, Paris, Vrin – EHESS, 2003.
(10) Emile Bréhier, « Introduction », in Histoire de la philosophie, Paris, P.U.F, coll. « Quadrige », tome I. , p. 1.