Groupe
de travail sur la question théologico-politique et la tolérance
Présentation
Le Groupe de travail sur la question théologico-politique et
la tolérance organise une douzaine de séances par an
à partir du plan de travail que nous vous présentons ici :
La question théologico-politique, éclipsée dans le débat
français des années d’après-guerre, a retrouvé
une actualité depuis une petite vingtaine d’années. Bien
entendu, les modalités de sa manifestation ne sont plus celles du passé,
mais il est clair que son sens présent nous échappe nécessairement,
si nous ne sommes pas capables de la mettre en perspective et de l’inscrire
dans une histoire, qui a constitué le théologico-politique en
problème. Le théologico-politique est en effet daté. Loin
d’être coextensif à la vie politique des hommes, il a une
origine qu’il importe de savoir marquer. Marsile de Padoue ou Rousseau,
pour ne citer que ces deux figures, affirment l’un et l’autre qu’il
est apparu avec le christianisme, et plus spécialement l’Eglise
romaine. Cette dernière a posé en Europe des difficultés
d’un genre tout à fait nouveau. Ainsi que le souligne Marsile de
Padoue, cette nouvelle cause de litige dans les communautés politiques
ne pouvait être soupçonnée d’Aristote (Défenseur
de la paix, I, 1, § 3). Sans Jésus, affirme Rousseau, le problème
théologico-politique ne se serait jamais posé (Du Contrat
social, IV, 8). De fait, l’Occident médiéval institue
très tôt un type de relations entre Eglise et Etat bien particulier
: ce sont deux instances distinctes, mais non séparées. Distinguer,
pour ensuite articuler dans la subordination d’une instance à l’autre,
c’est ouvrir une lutte que les deux parties en présence radicaliseront,
jusqu’à la conduire à son acmé avec la revendication
absolue de la plenitudo potestatis.
Mais la victoire, difficilement acquise, des rois sur les papes n’entraîne
pourtant pas la disparition de la question. Carl Schmitt et Ernst Kantorowicz
sont de ceux qui l’ont fait rebondir, en soulignant qu’il s’agissait
peut-être d’une victoire équivoque, dans la mesure où
les principaux concepts de la théologie catholique pourraient bien avoir
été purement et simplement transférés ou transposés
au cœur de la théorie politique et juridique de l’Etat. Au
moment même où il penserait pouvoir reposer sur lui-même,
et être émancipé de tout élément religieux,
l’Etat serait plus déterminé que jamais par le théologique,
puisqu’il serait déterminé sans le savoir. Schmitt ira jusqu’à
affirmer, tout au moins dans la première partie de son œuvre, que
cette détermination théologique du politique est radicale et universelle
: elle vaudrait pour toutes les époques et pour toutes les formes de
l’Etat. Cette thèse ne peut être ignorée. Il faut
en entendre la portée et les arguments, mais aussi la critiquer. Une
des voies de la critique consiste à mettre en évidence des transferts
ou transpositions d’un autre sens : non plus du théologique vers
le juridique ou le politique, mais au contraire du juridique ou politique vers
le théologique. On pourrait interroger l’hypothèse selon
laquelle la théologie chrétienne ne serait jamais qu’une
politique qui s’est désarrimée.
Pour autant, la critique de la théologie ne signifie pas la disparition
de la question théologico-politique. On peut se demander, au contraire,
si la constitution progressive de religions civiles n’en exprime pas son
prolongement. Tout rapporter, en effet, à une alternative laïcité
ou sécularisation est sans doute une manière beaucoup trop européo-centrée,
et donc réductrice, de poser les problèmes. S’interroger
sur le concept politique de religion civile, dont les Etats-Unis fournissent
une importante illustration, est également une voie d’approfondissement
de la question théologico-politique. Il s’agit en particulier de
se demander en quoi cette forme de solution est à la fois héritage
et émancipation à l’égard du christianisme. Il s’agit
encore de se demander en quoi le théologico-politique joue toujours (s’il
joue toujours) dans cette manière d’inclusion du religieux dans
le politique. Mais la religion civile est aussi un concept qui peut être
soumis, et à travers lui le théologico-politique, à une
critique radicale. Un des sens de la religion civile n’est-il pas de rappeler
que la communauté tout entière tient à l’affirmation
de la souveraineté de l’Etat ? Ne tend-elle pas à fonder
la liberté dans la puissance et l’unité de l’Etat
? De ce point de vue, la contribution de la Réforme à la naissance
d’un sujet de droit, affirmant sa liberté éventuellement
contre l’Etat, pourrait constituer une critique virulente du théologico-politique
en tant que tel.
Ajoutons que la question de la tolérance ne manque pas de se poser à
travers l’ensemble de ces problèmes. Notre Groupe, qui a débuté
son existence (1997) en étudiant cette question, spécialement
dans sa relation avec la Réforme, ne l’a jamais perdue de vue et
elle continue de constituer un objet de travail. Non pas que la tolérance
détermine entièrement les problèmes théologico-politiques
ou qu’elle soit toujours centrale, mais c’est à travers les
différentes modalités du rapport conflictuel religion/politique
que la perspective de la tolérance a été précisée
et revendiquée. La tolérance est encore aujourd’hui un repaire
d’équivoques. Démêler et clarifier les aspects du
problème théologico-politique pourrait contribuer à lever
quelques unes de ces équivoques.
Notre Groupe s’attache donc à ce travail. Il envisage d’une
manière critique la compréhension schmittienne du théologico-politique
; il s’attache à étudier les formes de distinction de la
sphère privée et de la sphère publique ; il s’efforce
de mettre à jour les enjeux théologico-politiques de la critique
biblique élaborée à l’âge classique ; il suit
le mouvement d’affirmation de la religion civile, qui a pris parfois le
relais des résolutions césaro-papistes du complexe théologico-politique.
Vous pouvez consulter :
La laïcité
entre faits et principes (colloque pluridisciplinaire, 09-10 nov 2005)
Calendrier 2006
De Bérulle à
Bossuet : références et théologie politique (résumé
par Frédéric Gabriel de l'après-midi d'étude du
5 mars 2005)
Archives
Présentation de l'ouvrage Tolérance
et Réforme
Coordonnées
des responsables du Groupe
Ghislain Waterlot
309, rue du Mont Clergeon
73 000 CHAMBERY
tél : 04 79 26 08 44
Mail : waterlotcg@free.fr
Nicolas Piqué
56, rue de la Charité
69 002 LYON
tél : 04 78 92 89 52
Mail : nicolas.pique@wanadoo.fr
Frédéric Gabriel
12 rue de la Tour d'Auvergne
75 009 PARIS
mail : frederic.gabriel@gmail.com
Isabelle Bouvignies
19 bis 21, Quai de l’Oise
75 019 PARIS
tél (fax) : 01 40 35 06 88
Mail : isabouvi@club-internet.fr