Publications des associés du CERPHI


“ Guérir du sot”. Les stratégies d'écriture des libertins à l'âge classique

Isabelle Moreau

Honoré Champion, collection « Libre pensée et littérature clandestine », 2007, 1216 p.

Comment tracer les contours du libertinage à l’âge classique ? Pour sa grande diversité et son approche a-systématique des questions philosophiques, le libertinage ne peut être assimilé à un courant philosophique particulier. Il n’est pas non plus compréhensible d’après la seule hétérodoxie religieuse. Si la pensée libertine s’oppose bien à la doctrine chrétienne, elle ne saurait se réduire à cette opposition : elle a une cohérence et une logique propres dans le champ du savoir, des préocupations communes en matière d’éthique, une charge polémique indéniable à l’égard des représentations doxales. La question de l’impiété et de l’hétérodoxie n’est ainsi pas séparable d’une réflexion particulièrement féconde sur les mécanismes d’adhésion et de crédulité. L’homme est un animal « philomythe », toujours enclin à abdiquer ses facultés critiques. Pour le libertin, l’essentiel réside dans la compréhension du mécanisme qui sous-tend le phénomène d’adhésion. Les stratégies d’écriture sont la réponse rhétorique du philosophe à l’analyse anthropologique des croyances humaines. L’écriture étant ici un mode de pensée en même temps qu’une pratique philosophique, c’est dans le protocole de lecture et dans la fabrique de l’écriture des libertins — dans la complexité de leur style, dans l’appareil de leurs citations, dans l’ironie de leur rapport au texte — que se dessine à nos yeux l’angle d’approche le plus fécond.