Publications des associés du CERPHI
Le système de la loi de Nicolas Malebranche
Marie-Frédérique Pellegrin
Paris, Vrin, [à paraître à l'automne 2005].
Résumé
Le système philosophique de Nicolas Malebranche (1638-1715)
peut être considéré comme la seule théodicée
de l'âge classique qui veut assurer la bonté de Dieu tout en postulant
la réalité du mal. Mais elle est aussi et surtout nouvelle par
son principe opératoire : la loi. Le malebranchisme propose en effet
une réflexion originale sur la notion de loi. Celle-ci doit rendre compte
de la nature comme de la grâce et emprunte donc autant à la science
qu'à la théologie pour aboutir à un précipité
théorique des plus novateurs. Cette réflexion est également
surprenante car les difficultés rencontrées pour légitimer
une compréhension purement légale du réel viennent souvent
plus de la nature que de la grâce, des lois de biologie que des lois de
la rédemption. Une telle défense de Dieu tourne à un éloge
de la loi et plus spécifiquement de la forme de la loi, matrice de l'intérêt
des Lumières pour le légalisme et le formalisme.
Le malebranchisme constitue donc une étape essentielle dans l'histoire
complexe de la notion de loi. Sans cette étape, on ne peut comprendre
nombre de philosophies politiques du XVIIIe siècle. Et si ce moment malebranchiste
a souvent été ignoré des commentateurs, c'est justement
parce qu'on n'a pas suffisamment interrogé les conséquences politiques
du système légal présenté par l'auteur et la manière
dont la défense de Dieu s'efface devant la glorification de la loi. Autrement
dit, on tente ici la gageure de faire de Nicolas Malebranche un philosophe politique,
chez qui un théocentrisme fréquemment souligné cache en
fait des préoccupations anthropologiques.