Les idées de l'homme.
La position de Spinoza dans l'horizon cartésien
Lamine Hamlaoui
Soutenance : le 21 septembre 2002
PRESENTATION DE SOUTENANCE
Ma thèse s'intitule les idées de l'homme chez
Spinoza, avec comme sous-titre : la position de l'homme dans l'horizon cartésien.
Dans le titre, j'ai joué sur le double sens du génitif, objectif
et subjectif. Les idées de l'homme peuvent désigner les idées
que l'homme a, dont il est soit partiellement, soit totalement la cause,
ou l’auteur, ou alors les différentes manières dont
Spinoza caractérise ce qu'est l'homme, son être, son essence,
les idées que Spinoza se fait de l'homme. Bien entendu, les deux
questions interfèrent, on serait tenté de dire sans connaître
la doctrine de Spinoza que la première question (de quelle nature
sont les idées que l'homme a ?) constitue un aspect, une partie de
la deuxième (quelle est la nature de l'homme?). Mais en réalité,
en un sens, ces deux questions n'en font qu'une dans la mesure où
l'homme est lui-même identifié à une idée : chaque
homme est une idée de l'entendement infini de Dieu, une idée
que Dieu a et la question se pose alors de savoir dans quelle mesure
l'homme peut avoir cette idée, cette idée qu'il est,
et sinon, quel rapport il existe entre cette idée que l'homme est
et les idées qu'il a, sachant en outre que Spinoza pense
les idées que l'homme a comme des parties, des composantes
de cette idée que l'homme est. Il m'a semblé intéressant
de reconstituer la théorie spinozienne de l'homme, qui est l'horizon
de ma recherche, par le biais d'une analyse des diverses sortes d'idées
qui interviennent, à la fois dans le texte du Traité de
la Réforme de l'entendement, écrit de méthode,
mais surtout propédeutique du Système, et aussi dans le procès
déductif du système qu'est l'Ethique. D'abord, les
idées vraies en général, telles qu'elles sont définies
dans le TRE, ensuite les différentes sortes de ce que Spinoza
appelle les idées des affections du corps, celles-ci désignant
tour à tour les perceptions ou les imaginations simples, puis ce
qu'il est convenu d'appeler les sentiments (Spinoza emploie le terme plus
brutal et suggestif d'affect), puis finalement les idées adéquates
(vraies) formées par l'homme, ce qui nous ramène au point
de départ. Plus précisément, j'ai tenté de montrer
que tout en étant posée et structurée par le système,
la question de l'homme menace d'ébranler ce système, d'en
faire éclater l'architectonique, ou du moins de fragiliser celle-ci..
Je m'explique sur ce point. Spinoza prétend déduire l'essence
de l'homme à partir de l'être de la substance divine, en abolissant
toute transcendance et tout créationnisme. Ce faisant, l'homme ne
peut plus être défini comme un sujet, ou une substance, réellement
distinct de son principe créateur ; il n'est plus qu'un mode, plus
exactement l'union de deux modes, un mode corporel et un mode pensant, chacun
de ces modes étant lui-même une composition de modes. Comment
penser dans ces conditions l'unité et l'identité de l'homme?
Comment fonder le rapport à soi, l'ipséité, constitutif
de l'individu humain? J'ai tenté de montrer que dans son procès
même de déduction de l'essence de l'homme, la mécanique
conceptuelle du système spinozien était parcourue par ce que
j'ai appelé une faille, une déhiscence, faille masquée
par l'apparente homogénéité de certains concepts ou
expressions-clés. Je me suis à cet égard particulièrement
intéresser à la fameuse formule « Dieu en tant qu'il
constitue la nature de l'esprit humain », Deus quatenus naturam
humanae mentis constituit, formule introduite dans le crucial corollaire
11 de la deuxième partie de l'Ethique, et qui conditionne
toute la déduction qui s'ensuit. Cette expression m'a paru receler
une ambiguïté fondamentale, un double sens qui marque le point
d'origine de la faille.
M’engager dans une telle approche critique du système spinozien
m’a tout d’abord posé problème. Si l’on
parcourt la littérature des commentaires de l’œuvre de
Spinoza, on ne peut qu’être frappé par l’abondance
des réfutations, des repérages de contradictions, d’
incohérences. En prétendant démasquer, bien qu’à
nouveaux frais, sinon des contradictions, du moins des homonymies, des termes
ou des expressions pris à double sens, j’étais conscient
du risque que j’encourais de ne faire au mieux que prolonger cette
tradition monotone, qui n’est plus d’actualité depuis
bien longtemps, ou pire de répéter sous une forme différente
des arguments bien connus qui ne retiennent plus l’intérêt
des spinozistes. En tout cas, de m’exposer au reproche d’enfoncer
le clou d’un critique séculaire à l’endroit d’un
philosophe dont la richesse et la fécondité se découvre
chaque jour davantage à penser avec lui (pour reprendre le titre
d’un ouvrage de M. Macherey) que contre lui. D’ailleurs, l’un
des derniers ouvrages entièrement conçu dans cet esprit, celui
de F. Alquié intitulé Le rationalisme de Spinoza,
montre une nouvelle fois les limites d’une telle entreprise : malgré
la prétention affichée par l’auteur de s’en tenir
à la lettre même du texte, de faire surgir de l’intérieur
du système les germes mêmes de son éclatement, l’exposé
de F. Alquié n’aboutit en fin de compte qu’à justifier
son opinion du caractère indépassable de l’approche
cartésienne. Il juge le système de Spinoza comme une synthèse
manquée entre l’inspiration cartésienne, proche de l’expérience
vécue, et une inspiration panthéiste par principe inconciliable
avec la première. Or, ce jugement a le caractère d’un
préjugé, qui a comme tout préjugé sa racine
dans une passion. J’avoue avoir longtemps partagé cette passion
pour la pensée de Descartes, passion alimentée et renforcée
par la fréquentation des cours de Mr Beyssade, à qui je dois
beaucoup dans ma méthode d’approche des textes cartésiens.
L’image que je me suis construite de Descartes est celle d’un
philosophe toujours près de l’expérience, offrant toujours
l’occasion d’effectuer et de vérifier par soi-même
ses analyses. Ceci est particulièrement vrai de l’idée
sensible.
Dans mon troisième chapitre consacré à ce thème,
j’ai essayé de montrer que la démarche et l’outillage
conceptuel de Descartes permettait dans le domaine de la phénoménologie
de la conscience intime des avancées et des nuances que ne permettent
pas les catégories spinoziennes. Il resterait d’ailleurs à
approfondir la dette de la phénoménologie husserlienne dans
ce domaine vis-à-vis de Descartes. Lorsqu’on interprète
en fonction de la problématique cartésienne les notions spinoziennes
d’enveloppement et d’indication, celles-ci révèlent
leur ambiguïté et leurs limites. En particulier, la disparition
chez Spinoza du problème de la réalité objective d’une
idée (dans quelle mesure une idée représente-t-elle
une chose réelle ?) fait que le contenu représentatif lui-même
de l’idée n’est jamais analysé en lui-même
et pour lui-même. Il est difficile de savoir si le sensible dans ce
qu’il a de propre se réduit à de l’intelligible
confus ou s’il y a une clarté spécifique du sensible
irréductible à une clarté intellectuelle.
D’où la distinction que je propose entre plusieurs significations
de la notion d’enveloppement permettant plusieurs interprétations
possibles des deux délicats corollaires de la proposition 16 de la
deuxième partie. J’ai proposé une distinction entre
une signification purement ontologique et une signification gnoséologique
des notions d’enveloppement et d’indication, de manière
à rendre compte de l’ambiguïté de la notion d’objet
d’une idée. En effet, si l’on se place du point de vue
de Dieu, l’objet d’une idée se réduit à
son idéat, c’est-à-dire à une chose réelle
que fait connaître cette idée. Mais si l’on se place
du point de vue de l’esprit humain qui a cette idée, l’objet
de l’idée peut désigner deux choses bien distinctes.
Soit il s’agit du corrélat corporel de cette idée (le
corps de celui qui a cette idée, en tant qu’il a cette idée),
corrélat qui n’est rien d’autre que l’idéat
de l’idée du corps humain du point de vue de Dieu ; soit il
s’agit de l’objet que cette idée fait connaître
à l’esprit humain qui a cette idée, ou, dans le cas
des imaginations, que cette idée représente. Le terme d’indication
vise semble-t-il en priorité le corrélat ontologique, tandis
que le terme d’enveloppement peut viser l’un ou l’autre
de ces deux objets. En outre, tantôt Spinoza parle d’enveloppement
d’une nature corporelle dans une idée, tantôt de l’enveloppement
d’une idée dans une idée, tantôt donc l’enveloppant
et l’enveloppé appartiennent au même attribut, tantôt
à deux attributs différents. Toutes ces nuances permettent
de faire sa part à la contingence irréductible de l’expérience
vécue, d’une facticité qui introduit comme un écart,
un hiatus entre le point de vue de l’esprit infini de Dieu et le point
de vue de l’esprit fini. Mais l’exigence inhérente au
système spinozien d’articuler dans une même mécanique
conceptuelle ces deux point de vue fait que la structure même de l’acte
représentatif n’est pas analysée en elle-même.
Spinoza ne thématise pas en particulier le rapport existant entre
ce qui se passe dans le corps lorsqu’on perçoit et ce qui se
passe dans l’esprit. La raison profonde de cette limite est que les
concepts qui servent à penser le mécanisme mental de la perception
sont d’abord pensés du point de vue de l’entendement
infini de Dieu. Ces concepts sont ensuite assouplis en quelque sorte pour
rendre compte de ce que l’expérience humaine de la perception
a de propre, mais l’objet d’analyse demeure toujours la perception
considérée dans sa globalité : il n’y a pas chez
Spinoza de théorie de la constitution de l’objet, et pour cause
: les objets sont donnés, prédonnés si l’on veut,
en tant qu’expression de l’infinité de l’essence
de Dieu dans une infinité d’attributs. L’analyse spinozienne
de la perception sensible ne régresse jamais en deçà
de ce que Descartes appelle les « res sibi objecta ».
Cette limite du système spinozien n’empêche pas que le
point de départ, l’impulsion initiale de mon projet de thèse
a été une véritable fascination pour l’édifice
conceptuel de l’Ethique et du Traité de la Réforme
de l’Entendement. Fascination dont le motif explique toutefois
que je ne me sois départi qu’assez tard de ma préférence
disons affective pour l’approche cartésienne de l’homme.
Car cette fascination a été avant tout longtemps de nature
purement intellectuelle. J’ai eu très tôt le sentiment
que le texte de Spinoza était en quelque sorte codé, chiffré,
qu’il exigeait que soit élaborées des grilles de lecture,
que soient dégagées des structures sous-jacentes pour le rendre
pleinement intelligible. C’est ce souci qui m’a conduit à
reconstruire le texte du Traité de la Réforme de l’Entendement
à partir de quatre norme fondamentale du vrai, deux gnoséologiques,
une ontologique, une métaphysique. Les trois premières traduisent
des exigences de clarté, de fécondité, de réalité,
la dernière l’exigence d’un ordre qui soit celui de la
« reproduction intégrale du réel » ; de sorte
qu’on peut reconstruire le Système quasi axiomatiquement comme
la résultante de ces quatre normes. Dans la même optique, j’ai
proposé une distinction entre l’esprit et le corps humain affectif
et l’esprit et le corps humain physique, de même entre l’idée
affective et l’idée physique d’une affection du corps.
En vertu de quoi on peut lire l’Ethique, plus particulièrement
la deuxième partie, comme résultant de l’interférence
problématique de ces deux registres, physique (exprimant le point
de vue de Dieu), et affectif (exprimant le point de vue humain). En proposant
cette distinction, j’ai eu le sentiment un peu vain, dont Mr Moreau
a contribué à me débarrassé dans la suite, d’avoir
démasqué une supercherie de la part de Spinoza, consistant
à fonder l’unité de son système sur des jeux
de mots, sur ce que j’ai appelé dans un premier temps des paralogismes,
terme auquel Mr Moreau m’a prudemment conseillé de renoncer.
Mais mon point de vue sur le système spinozien et son approche de
l’homme s’est peu à peu transformé à partir
du moment où j’ai approfondi les deux dernières parties
de l’Ethique, alors que jusqu’alors mon attention s’était
polarisé sur la seconde partie.
Ainsi, j’ai progressivement réalisé que cette faille
que je m’étais attardé à repérer et à
caractériser dans le système spinozien n'est pas seulement
une faiblesse de celui-ci. Elle n'est une faiblesse que du point de vue
d'une exigence d'univocité conceptuelle qui n'est pas forcément
la voie obligée qui mène au vrai, en tout cas pas la voie
exclusive ni celle revendiquée par Spinoza ; en l'occurrence les
tensions engendrées par cette faille fondamentale inscrite dans le
système me semble à présent exprimer, refléter
la nature essentiellement problématique de l'homme, et donc en fin
de compte répondre adéquatement à la question de son
être. Car cette faille est comme un écart, une distance qui
se creuse entre l'infinitude dont procède et à laquelle participe
tout homme et l'irréductible finitude, facticité, qui marque
chaque existence humaine. Chaque homme comme n'importe quel mode de n'importe
quel attribut est une conséquence de Dieu d'un côté,
mais « une conséquence sans ses prémisses (absque
praemissis) », selon l'énigmatique expression employée
par Spinoza à propos des idées confuses de l'homme, mais qui
s'applique à l'homme lui-même en tant qu'il a ces idées
confuses. Expression qui donne en effet à penser : peut-on encore
dans ce cas parler de conséquence? Cela ne revient-il pas à
reconnaître à l'homme, à l'existence humaine une originarité,
une opacité qui effectivement l'isole dans sa finitude, dans sa différence,
sa dénivellation ontologique? Mais en même temps, et c'est
là qu'apparaît mais que se résout , ou du moins tend
à se résoudre la tension dont je parlais, grâce à
la puissance de son entendement, au pouvoir qu'il a de se comprendre, lui,
Dieu et les choses, l'homme s'affranchit de cette finitude, a le pouvoir
de s’en affranchir : en se déterminant comme conatus,
dynamique et actif, il se dé-termine (se libère de sa détermination).
Car, ce qui caractérise essentiellement l'approche spinozienne de
l'homme, c'est d'une part son intellectualisme (l'homme s'identifie à
ses idées, il est une idée, et son salut s'obtient par la
connaissance) et son dynamisme (ces idées sont des forces, des variations
de puissance qui s'additionnent, s'opposent ; la connaissance n'est pas
libératrice en tant qu'elle est vraie, mais en tant qu'elle est une
puissance d'agir, une joie stabilisée, qui réduit, contraint
ces autres puissances que sont les passions). D'où mon choix de confronter
de manière systématique les conceptions spinozienne et cartésienne
de l'idée, de leur nature, de leur rapport. Cette confrontation m'a
permis de mettre en relief certes parfois les limites, en particulier dans
l’analyse de l’idée sensible, mais surtout la fécondité
de cet intellectualisme et de ce dynamisme. Il y aurait d’ailleurs
à cet égard une comparaison intéressante à faire
avec la théorie nietzschéenne des affects, dans les fragments
posthumes en particulier, qui outre ces deux traits a en commun avec celle
de Spinoza une décentration et une démultiplication du moi.
La fécondité et l’originalité de la conception
spinozienne de l’homme se révèle d’abord dans
l'approche de l'identité humaine. Descartes pense l'identité
de l'homme avant tout comme l'identité d'une substance. Certes, l'homme
en tant qu'union d'un esprit et d'un corps n'est jamais désigné
comme substance. Cependant, c'est en tant que cet esprit, cette pensée
est une substance que l’homme est qualifié d’ «
être par soi ». C’est la substantialité de l’âme
qui confère au composé son identité, autrement dit
qui fonde le maintien de la même unité substantielle dans la
durée, la permanence de cette unité. En effet, en ce qui concerne
le corps humain qui avec l’âme compose l’homme comme tout,
pour que l’identité de ce tout soit conservée, il est
seulement requis que soit maintenu ce que j’ai appelé son unité
modale, (une certaine organisation de ses parties, une certaine distribution
du mouvement entre ses parties) mais non pas son unité substantielle.
En outre, le principe de conservation de cette structure corporelle est
purement externe : il n’y a pas chez Descartes de fondement interne
de l’individuation des corps. Or, l’ontologie spinozienne régie
par la causalité immanente et le parallélisme des attributs
a pour effet d’abolir cette distinction entre une identité
substantielle assignée à l’âme et une identité
modale réservée principalement aux corps. L’identité
substantielle cartésienne est transposée dans un registre
exclusivement modal et réciproquement, l’identité modale
est investie d’une consistance ontologique. L’identité
humaine devient alors l’identité d’une essence, d’un
conatus, ce terme désignant l’essence actuelle de
l’individu. J’ai alors montré que la faille fondamentale
initiée dans le corollaire de la proposition 11 de la deuxième
partie, entre l’esprit humain physique et l’esprit humain affectif,
cette faille se poursuit et se répercute dans la déduction
de cette essence. L’essence humaine est tantôt identifiée,
tantôt distinguée de l’idée du corps humain, d’où
le fameux primum de la proposition 11 de la deuxième partie
« ce qui constitue en premier lieu l’être actuel de l’esprit
humain n’est rien d’autre que l’idée d’ une
chose particulière existant en acte ». De même, l’idée
de l’idée du corps humain est tantôt identifiée,
tantôt distinguée de l’idée du corps humain. Cette
béance qui travaille en profondeur l’être de l’homme,
tel qu’il est déduit dans l’Ethique, exprime
toujours la même tension entre la position de l’homme comme
partie de l’entendement infini de Dieu, et la position de l’homme
comme être par soi, conséquence coupée de ses prémisses.
Tension que manifeste comme j’ai essayé de le montrer le statut
problématique des notions communes. Considérées du
point de vue de l’idée du corps humain telle qu’elle
est en Dieu, idée adéquate déduite d’autres idées,
les notions communes sont des conséquences de cette idée,
que Dieu peut déduire de cette seule idée. Considérées
à présent du point de vue de ce que j’ai appelé
l’idée affective du corps humain, c’est-à-dire
l’esprit humain affectif, les notions communes sont non plus des idées
dérivées, mais des idées primitives, formées
à l’occasion des perceptions imaginatives, et qui échappent
à la dichotomie activité/passivité. On retrouve là
le lieu problématique que dans mon premier chapitre sur l’idée
vraie j’ai tenté de pointer dans le Traité de la
Réforme : la logique de l’ordre dû qui en droit
doit se déployer de l’essence des attributs jusqu’aux
essences singulières est en effet interrompue de fait par le recours
à des experimenta nécessaires pour déterminer
selon quelles lois telle ou telle chose finie est produite.
Pourtant, je me suis finalement efforcé de montrer comment le modèle
dynamiste de la vie de l’esprit élaboré dans les deux
dernières parties de l’Ethique permet de fondre finalement
l’un dans l’autre le registre affectif et le registre physique
de l’idée du corps humain. La tension initiée dans le
corollaire 11 de la deuxième partie de l’Ethique tend
alors à se résoudre en vertu de ce que j’ai appelé
une volte face, c’est-à-dire le processus d’auto-compréhension
par lequel l’esprit humain affectif tend à rejoindre l’esprit
humain physique. De nouveau, j’ai tenté de ramener ce processus
à la résultante de quatre paramètres fondamentaux,
en l’occurrence les quatre composantes de la force d’un affect,
à savoir la grandeur, l’intensité, la constance, l’ampleur.