La physique de Spinoza
Epaminondas VAMPOULIS
Thèse soutenue le 16 octobre 2000 à lUniversité de Paris IV.
Directeur de thèse : Pierre-François Moreau.
Le titre succinct de ce travail soulève, peut-être, des questions concernant son contenu. Est-ce que le poids de la recherche porte sur la théorie physique que Spinoza a lui-même élaborée dans le cadre de son système philosophique? Sagit-il dune étude du rapport entre la pensée de Spinoza et les théories physiques de son temps, qui ont déterminé sa propre conception de la nature? Ou encore, dune étude qui examine les connaissances de Spinoza en matière de physique?
Tous ces problèmes constituent des aspects partiels de ce travail dont des parties traitent certains points particuliers des théories physiques du dix-septième siècle, en vue de les comparer aux traits spécifiques de la physique de Spinoza. Mais avant tout, ce travail consiste en une analyse du statut et de la place de la science physique dans la pensée spinoziste, aussi bien quen une étude de la manière dont Spinoza a conceptualisé la nature du corps et de ses propriétés. Cette problématique porte, en outre, sur la cohérence de la philosophie naturelle de Spinoza, sur sa compatibilité avec lensemble de son système, et, en dernière analyse, sur la constitution même de ce système, puisque la connaissance physique des corps détermine largement la théorie de la connaissance aussi bien que la conception de la nature de lattribut étendue.
Afin dévaluer, cependant, dune manière globale la physique de Spinoza et afin de saisir son originalité, il faut préalablement analyser le caractère des théories physiques du dix-septième siècle, et montrer sous quelles conditions les propriétés uniquement mécaniques des corps ont été érigées en principes explicatifs pour toute théorie mécaniste. Car la rationalité de la physique spinoziste dépend aussi de ces principes, qui sont ontologiquement fondés et justifiés par la métaphysique spinoziste. Il faut donc situer la pensée de Spinoza dans un contexte plus large, en prenant toujours en considération les acquis de la physique de son temps.
Cest justement la bonne connaissance de ce milieu intellectuel qui a rendu possible une lecture technique des textes de Spinoza qui portent sur des questions physiques. Cette lecture exige au moins une connaissance suffisante des théories physiques majeures du dix-septième siècle et, en particulier, une étude des présupposés de la philosophie mécaniste. Les concepts fondamentaux de ce courant de pensée autorisent une analyse des textes physiques de Spinoza du point de vue de leur contenu purement scientifique et de leur cohérence interne; de plus, ils permettent de placer ces textes dans le contexte précis de la philosophie naturelle du dix-septième siècle et de déceler le rapport quils maintiennent avec les théories physiques de cette époque.
On peut donc légitimement inscrire Spinoza dans le registre des penseurs qui ont souscrit aux principes du mécanisme, et même le considérer comme le plus conséquent de tous les philosophes mécanistes, compte tenu de ses positions résolument anti-finalistes. Mais Spinoza ne se contente pas de reprendre les éléments de base de cette vision du monde, et de montrer comment ils rendent raison du changement de la matière. Bien au contraire, il développe une théorie physique dont limportance ne saurait être sous-estimée, vu quelle dépasse les limites de la philosophie mécaniste en conciliant les principes du mécanisme avec un dynamisme dont les fondements sont dune origine métaphysique. Car cest la métaphysique de Spinoza qui détermine la conception de létendue comme un des attributs infinis qui expriment lessence dune substance unique. Cette métaphysique dune part comporte toute la théorie physique dune manière implicite, mais dautre part est aussi déterminée par cette physique, surtout en ce qui concerne la conception déterministe de la nature. Létude de la philosophie naturelle de Spinoza nous révèle, alors, le rapport instauré entre la physique et la métaphysique et met en lumière tant la manière dont celle-ci constitue la justification ultime de celle-là, que la manière dont la connaissance physique du corps et de ses propriétés fournit au système un de ses fondements. Une lecture du système du point de vue de la théorie physique porte, donc, tant sur les traits essentiels de la pensée spinoziste, que sur la place et le rôle que ce système assigne à la connaissance physique des corps. Cest pourquoi dans cette thèse de Doctorat il a fallu combiner des parties inspirées par lhistoire des sciences, avec une approche globale du système spinoziste ou, au moins, de ses aspects qui se rapportent dune manière ou dune autre à la conception de létendue et à la connaissance physique des corps.
Cette étude de la physique spinoziste doit prendre la forme dun commentaire détaillé des textes de Spinoza qui portent sur des questions physiques; cest seulement de cette façon quon peut déceler les thèses essentielles et lorientation de cette physique, sans pourtant négliger ses aspects qui présentent un intérêt relativement limité, mais qui sont significatifs de loriginalité de la conception spinoziste de la nature. Etant donné quil ny a pas eu jusquà maintenant une étude systématique et globale de la physique de Spinoza, il faut passer par une analyse attentive de tous les points de la doctrine qui concernent la nature de lattribut étendue et de ses modes finis. Les origines de la conception spinoziste du corps, cependant, bien quétroitement liées à la théorie métaphysique qui rend raison de tout ce qui existe par le recours à la productivité dune substance infinie, impliquent aussi des thèses classiques de certaines théories qui partagent leurs principes avec la physique de Spinoza. Ainsi, la physique de Descartes fournit à Spinoza les éléments qui rendent possible une conception rigoureusement déterministe de la nature matérielle. En recourant à des théories élaborées par dautres penseurs, surtout à celles de Boyle et de Hobbes, il est possible de repérer des positions dont Spinoza sest sans doute inspiré, mais aussi détudier la manière dont il les a transformées en les adaptant à une problématique totalement nouvelle.
La relation qui existe incontestablement entre la métaphysique et la physique de Spinoza ninvalide donc point lexplication de certains aspects de celle-ci par le recours à dautres théories physiques. Il faut, par contre, situer la physique de Spinoza par rapport à ses théories contemporaines, et montrer en même temps que la manière dont elle incorpore des éléments étrangers naffecte point sa cohérence. Cest Spinoza lui-même, dailleurs, qui a montré que la théorie physique de Descartes peut subir certains changements sans perdre un de ses traits caractéristiques, à savoir le déterminisme universel. Ainsi, dans les Principes de la Philosophie de Descartes qui constituent le premier ouvrage publié de Spinoza, le philosophe reprend les principes généraux de la physique cartésienne afin de les démontrer selon lordre des géomètres. Ce mode dexposition implique, bien sûr, plusieurs changements dans lordre de la déduction, mais naltère point lessentiel de la physique déterministe de Descartes.
Cest justement ce déterminisme qui constitue aux yeux de Spinoza lessentiel de cette physique, bien que certains de ses aspects néchappent pas à lindétermination qui y est introduite par la liberté divine. Notons cependant que le mode dexposition géométrique nest pas, pour Spinoza, un artifice formel, relatif seulement à la présentation de la théorie. Au contraire, il affecte aussi le contenu de cette théorie, puisquil exige préalablement un travail critique portant sur les notions mises en oeuvre. Ainsi, le choix méthodologique implique nécessairement une clarification maximale du contenu de la théorie; autrement dit lexigence de rigueur impose lélimination, dans la mesure du possible, de tous les éléments quon ne peut pas ramener aux principes fondamentaux dune théorie mécaniste.
La physique de Descartes constitue donc pour Spinoza le modèle même dune théorie qui décrit les relations causales des corps et qui explique leur production. Cette production est intelligible dans la mesure où elle est conditionnée par une nécessité dont la justification ne dépend pas, selon Spinoza, dun principe transcendant, mais de la puissance et de la productivité qui sont propres à létendue; car une physique mécaniste contredit ses propres principes en faisant intervenir un principe incorporel et absolument libre. Selon Descartes, cependant, le principe de changement de la matière doit provenir dune cause extérieure, étant donné que Dieu seul peut y introduire le mouvement. En outre, Descartes fait dépendre la conservation du mouvement de laction divine, de sorte que la loi dinertie soit déduite, dans le cadre de son système, de la constance qui caractérise la conservation des choses par Dieu. Or, cest justement ce que Spinoza ne saurait admettre puisque lintervention divine dans le monde matériel détruit aussitôt lautosuffisance de létendue, et avec elle le fondement même de la vision mécaniste du monde qui doit expliquer le corps par le corps. Cest donc par souci de clarté et de rigueur que Spinoza tâche déliminer dans les Principes de la Philosophie de Descartes certains aspects de la physique cartésienne, tout en insistant par ailleurs sur ses implications relatives à la causalité mécanique.
Prenons la notion de force qui acquiert dans le cadre de la théorie de Descartes des connotations qui dépassent le champ strict de la physique, puisquelles renvoient à la façon dagir qui est propre à Dieu. Si Spinoza procède à une critique de cette notion, cest quil veut maintenir intact le caractère strictement mécaniste de la théorie physique, en lassociant à une philosophie de limmanence et en accordant ainsi une autonomie à la sphère des corps. Il réduit donc la force du mouvement et du repos au seul mouvement ou au repos des corps, afin de conserver la cohérence et lintelligibilité dune théorie qui repose sur la causalité mécanique.
Mais ce nest pas seulement la notion cartésienne de force qui est transformée par Spinoza dans les Principes de la Philosophie de Descartes afin de devenir compatible avec les principes dune science rationnelle du corps. Spinoza insiste dans cet ouvrage tant sur la rationalité de la théorie physique, que sur lintelligibilité des définitions sur lesquelles elle est bâtie. Sil est possible, en principe, délaborer une physique géométrique, comme celle de Descartes, sur lidentification de la matière à létendue et la définition de celle-ci comme pure tridimensionalité et sur tout ce qui découle de ce concept -, il faut en même temps éliminer les éléments qui peuvent détruire la cohérence de cette théorie. Une fois quon tient pour établi le fait que les corps ne sont pas soumis à dautres formes de changement, il faut bien définir le statut du mouvement local et répondre aux questions qui concernent les conditions sous lesquelles on peut en avoir une idée claire et distincte. De même, il faut préciser avec attention le statut de linfini puisque le problème de la continuité implique celui de la constitution de linfini. Descartes, bien sûr, évite cette problématique en introduisant la distinction entre linfini et lindéfini ; mais de cette manière il laisse subsister lincompréhensible dans le monde physique, puisque linfini, bien quincontestablement présent dans toute grandeur continue, dépasse, selon Descartes, la capacité de notre entendement. Etant donné cependant que lindéfini nest pas dans le réel et nexprime que limpuissance de limagination, Spinoza aborde les problèmes de la continuité et de la nature de linfini, en les dissociant de lexistence ou linexistence des limites. Ainsi, dans la Lettre 12 il accorde à linfini une structure actuelle qui na rien en commun avec celle dune somme de plusieurs unités, puisque ce nest pas de la multitude des parties que dépend linfini.
La conceptualisation de linfini chez Spinoza rompt totalement, donc, avec la tradition cartésienne. Avec linfini, on entre dans le domaine des notions dont la transparence ne pose, selon Spinoza, aucun problème pour lentendement humain, mais dont le contenu peut devenir obscur quand on y laisse glisser des éléments dune origine imaginative, cest-à-dire quand on laisse ces éléments qui ont leur origine dans le rapport de notre corps avec les corps extérieurs se mêler à ce qui ne peut être adéquatement conçu que par lentendement. Il est manifeste que toutes les notions de base dune théorie physique de par leur nature impliquent des éléments de cette sorte, puisque nous sommes en interaction avec le monde matériel à travers notre corps et nous en formons nécessairement des images. Par contre, on ne peut pas imaginer Dieu comme on imagine les corps, ni concevoir en termes physiques les attributs qui constituent lessence divine; doù il sensuit quil y a un déséquilibre entre la conception purement physique de la réalité matérielle et sa conception métaphysique, à cause des limites assignées à la physique par la perception imaginative. Il est vrai que la théorie des notions communes de lEthique rend raison de la formation de certaines idées adéquates concernant la nature du corps. Même les notions communes, cependant, comportent toujours un résidu imaginatif, puisquelles dépendent de lordre des rencontres fortuites de notre corps avec les corps extérieurs.
La connaissance physique des corps, alors, ne peut pas échapper aux restrictions de la connaissance imaginative et, partant, ne peut pas prétendre à la certitude absolue. Ainsi, une théorie mécaniste se contente de formuler des hypothèses plus ou moins plausibles qui ne peuvent pas être confirmées dune manière définitive par lexpérimentation scientifique, puisque seul lentendement peut saisir les principes et les lois qui régissent les changements de la matière. Cest ce que Spinoza soutient dans sa correspondance avec Boyle, tout en concédant que certaines observations rendent manifeste lomniprésence du mouvement dans la nature. Mais la fonction de ces expériences obvies ne peut être quindicative, vu que la connaissance des lois de la nature ne dépend pas dune logique inductive. On peut donc résumer les thèses de Spinoza en soulignant que dans la correspondance avec Boyle il déclare son adhésion aux principes de la philosophie mécanique, tout en assignant des limites à leur validité. Car même si le mécanisme met en évidence les propriétés de la matière qui expliquent la dépendance causale des corps, il narrive pas à saisir lessence de la matière qui rend raison de lexistence tant du mouvement et du repos, que de celle des corps singuliers. En dautres termes, il ne suffit pas pour justifier tout ce qui se passe au niveau de la matière, parce quil reste attaché à une représentation imaginative de la totalité de la nature et sépare nécessairement la causalité mécanique du fondement ontologique dont elle dépend.
La présence du mouvement dans le monde reste, ainsi, inexplicable, au moins si lon cherche pour des principes intelligibles qui expliquent le corps par ce qui est corporel. Le mécanisme savère insuffisant quand il sagit de décrire la réalité ontologique des corps, parce quil méconnaît totalement la puissance par laquelle létendue produit tous ses effets. Selon Spinoza, par contre, létendue ne peut être conçue que comme un attribut qui exprime lessence dune substance infinie et éternelle. Dans lEthique, le philosophe insiste sur le fait que cet attribut appartient à la nature divine, puisque cest seulement sous cette condition que lessence et lexistence des corps deviennent concevables : les corps, étant des modes finis de cet attribut, expriment la puissance infinie de la substance dune manière précise et déterminée. Et la causalité immanente qui lie la substance et ses modes, tant finis quinfinis, transforme le statut du mouvement et du repos qui deviennent des expressions de la puissance de lattribut étendue. Tant le mouvement que le repos découlent immédiatement de la nature de cet attribut prise absolument, et forment ensemble son mode infini immédiat. Ils ne peuvent donc pas être séparés de lessence de la matière, puisquils font partie de la contexture même de létendue. De cette manière, ils ne doivent pas être conçus comme des propriétés qui sajoutent aux corps et les déterminent extrinsèquement, vu que lessence du corps nest rien dautre quun rapport précis de mouvement et de repos.
Cest justement cette causalité immanente dont dépend la productivité des attributs qui reste inexplicable pour le mécanisme. Mais la continuité entre la conception purement physique des corps et la conception métaphysique qui fait du corps un mode fini de létendue, peut être maintenue grâce à la dynamisation des notions communes. Spinoza montre comment se fait cette dynamisation dans la seconde partie de lEthique (Prop. 45), où il associe lidée dune chose singulière existante en acte à lidée de Dieu conçu comme cause de toutes choses. Les notions communes, par lesquelles nous avons une conception rationnelle des corps, nous permettent de saisir adéquatement létendue comme attribut de Dieu et les corps comme modes finis qui dépendent de cet attribut. Les choses singulières sont ainsi conçues comme des effets de la puissance infinie de la substance dont découlent ´ en une infinité de modes une infinité des choses ª.
On peut alors déterminer dune manière rigoureuse les limites de la connaissance des corps à travers leurs propriétés communes. Cette connaissance reste tributaire de ses origines imaginatives et ne nous fournit pas de réponses concernant ce qui constitue le principe ontologique des choses dune manière absolue. Ce sont alors les conséquences ultimes du mécanisme qui conduisent à son propre dépassement puisque létendue doit être conçue comme un attribut infini qui comporte le mouvement et le repos en tant que mode infini immédiat. Mais le mode infini médiat de cet attribut ne peut non plus être expliqué par les principes du mécanisme ; une théorie qui réduit létendue à ce qui est long, large et profond sans tenir compte de sa productivité, ne peut concevoir linfinitude de lunivers matériel quen recourant à la coexistence des corps qui forment un ensemble sans limites. Pourtant, la conception dun agrégat de plusieurs unités discrètes ne tient compte ni de la productivité de lattribut étendue, ni du rapport étroit qui existe entre lattribut et ses modes finis. De plus, cette représentation imaginative de linfini comme un assemblage de plusieurs parties met lindéfini cartésien à la place de linfini, qui ne dépend plus de sa propre puissance mais de linexistence des limites. Lattribut étendue pourtant est une puissance infinie absolument positive, et la coexistence des corps (la facies totius universi de la lettre 64 de Spinoza) doit être aussi conçue comme une puissance positive qui exprime cet attribut.
Afin de bien saisir la manière dont lensemble des modes finis constitue un seul mode infini de lattribut, il nest pas inutile de ses référer aux théories mathématiques du dix-septième siècle qui portent sur la constitution du continu, et traitent ce problème par le recours au dynamisme du mouvement. La géométrie des indivisibles de Cavalieri constitue un exemple remarquable de cette sorte, puisque le géomètre italien fait intervenir le mouvement afin de montrer que, par exemple, des lignes parallèles en nombre infini se trouvent dans une figure géométrique à titre déléments non pas constitutifs puisquils ne composent pas le continu, mais déterminants. Le concept des ´omniaª c.-à-d. de toutes ces lignes quand il est question dune figure plane -, ou de tous les plans quand il est question dun solide -, constitue aux yeux de Cavalieri une nouvelle sorte de grandeur quil ne faut pas identifier, bien sûr, à la grandeur continue dune surface ou dun volume, mais qui en conserve le caractère continu puisquen parcourant la surface dune figure dun mouvement uniforme on y rencontre partout les éléments dont il est question. Seul un principe dynamique, donc, comme le mouvement, est à même dexprimer linfini et de rendre raison de la manière dont le fini existe dans linfini. Ce modèle dynamique peut être appliqué au problème de la constitution du mode infini médiat de lattribut étendue par les corps qui, tout en le constituant, sont conditionnés quant à leur existence par la puissance de ce mode infini.
Une physique mécaniste, donc, bien quontologiquement fondée sur la coexistence des corps et sur leurs rapports causaux, met de côté la dépendance qui lie les corps à une puissance infinie. De cette manière, la connaissance physique des corps révèle ses propres limites, dautant plus quelle exige une application rigoureuse et sans aucune restriction du principe de causalité. Car cest justement ce principe qui révèle tant les mérites que la déficience dune conception mécaniste de la nature. Dans la mesure où lon reste dans les limites de la connaissance des choses par leurs propriétés communes, la causalité mécanique dune part permet de bien saisir les lois qui régissent les rapports des corps, mais dautre part elle néglige le fondement ontologique de ces lois et réduit la réalité des corps à celle de plusieurs substances indépendantes entre elles.
Si lon veut, alors, maintenir la cohérence du système et lintelligibilité du réel, il faut concéder que les lois et les propriétés des corps découlent de la nature même de lattribut étendue dont la puissance ne peut pas être représentée par limagination, mais seulement être conçue par lentendement. Il est vrai que cette conception de létendue change radicalement la nature et le caractère de la physique mécaniste, puisquelle impose une conception dynamique du corps en tant que mode fini. Et cest justement dans la mesure où la question du statut de la théorie physique implique tant la théorie de la connaissance que le problème du statut ontologique des choses singulières, que la physique constitue un des fondements du système de Spinoza et que son étude est une condition sans laquelle la compréhension de ce système reste incomplète.