Groupe de travail sur la question théologico-politique et la tolérance


Autorité, raison et obéissance dans le Léviathan de Hobbes

Michel Malherbe
(Université de Nantes)

14 mars 1998

  Résumé de l'intervention



Hobbes n'est pas précisément un promoteur de la tolérance. Michel Malherbe a fait remarquer d'emblée que la notion est absente de l'oeuvre. Absence bien compréhensible puisque le droit résulte de la loi à l'intérieur de l'état civil et en tant que sujet je dois obéir absolument à la volonté que j'ai autorisée et qui s'exprime dans la loi. S'il y a tolérance, il faut que ce soit sur le fondement d'une non rencontre entre les hommes et le souverain auquel ils ont transféré leur puissance. C'est en tant qu'ils sont des individus menant leur vie ordinaire en vue de la satisfaction que les hommes ne rencontrent pas le souverain. Là, dans cet espace consenti à la liberté naturelle, espace de la vie économique, jusqu'à un certain point des moeurs et de l'éducation, les hommes bénéficient de la tolérance du souverain. A l'intérieur des limites qu'il a tracées lui-même, le souverain n'a pas à juger et n'intervient donc pas. En revanche la tolérance ne saurait s'inscrire dans le rapport politique en tant que tel. Sous la loi, le souverain juge du bien et du mal, et il ne saurait souffrir l'opposition, même sous prétexte de liberté de conscience. La conscience compte parmi les facteurs de sédition, les causes de désintégration sociale. Elle ne saurait valoir contre le souverain. Mais d'un autre côté le souverain sait que sa violence contre les transgresseurs de la loi ne peut être le seul soutien de la communauté civile. Le souverain a besoin de sujets rationnels, aussi doit-il les éduquer, les rendre aptes à comprendre la nécessité et la valeur de chaque loi. La soumission nécessaire d'une volonté à une autre volonté ne se comprend que dans cette double perspective. En d'autres termes le rapport du souverain aux sujets ne s'épuise pas dans la subordination, il appelle plutôt par surcroît l'instauration d'un rapport rationnel grâce auquel les affirmations du souverain en matière morale ou religieuse sont comprises comme loi naturelle. La loi du souverain reconnue et comprise, on a moins à craindre le conflit issu de la volonté des sujets de déterminer par eux-mêmes les maximes du bien et du mal, du salut et de la damnation. La question de la tolérance ne se pose alors plus. En définitive Michel Malherbe montre que c'est l'impétuosité rationnelle de Hobbes qui ne s'accommode pas de la tolérance. Il convient même de se demander si la tolérance n'apparaît pas, a contrario, comme une notion irréductiblement floue, un concept empirique et simplement pratique. Elle qualifierait le relâchement du pouvoir, l'espace propre laissé aux individus dans la vie ordinaire. La discussion a donc pu porter sur des questions essentielles, en particulier celle de la relation entre l'affirmation de la tolérance et la reconnaissance de la limitation du savoir.