Ateliers de réflexion


Philosophie et nouvelles technologies

Première séance
résumé

Laurent Gerbier


L'étude des nouvelles technologies pose deux types de problèmes à la philosophie. Un, elle reçoit des objets déjà élaborés dans d'autres disciplines (socio, psycho cognitive, histoire des techniques, sciences de l'information, etc...) et, les recevant tout faits, elle se contente trop souvent de leur ajouter un jugement moral (c'est bon, c'est mauvais - selon des critères flous) ou même un jugement prophétique (à la Virilio). Mais, second problème, il ne suffit pas non plus de dire que l'on doit commencer par maîtriser l'aspect technique de ces nouveaux objets, parce qu'alors on prend déjà position. En effet, cela revient à dire que seuls les "techniciens" de ces nouvelles technologies ont la possibilité d'élaborer des discours pertinents à leur sujet : or cela exclut d'emblée la masse des usagers (1 000 000 de sites Web, combien de micro-ordinateurs, combien de spectateurs d'images numériques, etc...). Où et comment doit-on tracer la frontière entre le technicien et l'usager ?

Partant de ces problèmes, on arrive à la conclusion que la réflexion philosophique doit "découper" ses propres objets dans ces champs nouveaux. Le premier objet qui l'attire, c'est la notion de "système des savoirs" (il en a d'autres, et on les abordera aussi : politique des réseaux, savoir et pouvoir, virtuel et réel, simulation et fiction, modèle informatique et modèle biologique, etc... ; mais cette question-là est fondamentale pour nous).

Quant on donne quelques exemples (qu'est-ce que l'usage de la simulation change à la conception des expériences du savoir ; comment un traitement de texte organise différemment l'ordre du discours ; qu'est-ce que les moteurs de recherche changent à la pratique du savoir ; etc...), on se rend compte que ces "nouvelles technologies" proposent une chose passionnante : une logique des savoirs qui constituerait une combinaison de logique du texte et de logique de l'image. Premier effet : ça va à l'encontre d'une thèse commune selon laquelle internet (ou les CD Rom, ou les images virtuelles, ou les technologies numériques dans leur ensemble) verrait le triomphe d'une culture de l'image et le déclin d'une culture du texte.

Second effet : au contraire, c'est une formidable potentialité de métissage de ces deux perspectives dans le but d'élaborer une nouvelle hiérarchie des savoirs (pas au sens encyclopédique, mais au sens où la possibilité même du stockage illimité recentre la question de l'ordre des savoirs sur celle de l'usage des savoirs d'une part, et de la représentation des domaines de savoirs d'autre part).

Donc on va travailler sur un axe problématique d'ensemble qui sera "texte et image". Le but est de consacrer les séances à des études de problèmes plus précis, appuyés sur un corpus de textes chaque fois "mixtes" (textes techniques, empruntés à Lévy, Mattelart, Simondon, McLuhan, etc... ; et textes classiques - plus ou moins - de la philosophie). Exemple : comparer les rapports écrit et oral chez Platon (Phèdre), chez Deleuze et chez Philippe Breton.

A terme, on pourrait envisager une journée "texte et image" à la fin de l'année où des intervenants extérieurs viendraient exposer des problèmes et des solutions propres à leur domaine de compétence (un scénariste de BD sur le découpage texte-image, un chercheur de l'INA sur les modèles d'archivage de l'image dans les banques de données, etc...), avec des "réponses" du point de vue de la philosophie. Le projet, encore assez flou, sera précisé au fur et à mesure des séances.



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