Agrégation : Leçons de philosophie


UNE OU PLUSIEURS LOGIQUES ?


Lecture conseillée

Hintikka, La vérité est-elle ineffable ?

Il est clair qu’en français on manque cruellement de ressources pour traiter les problèmes de philosophie de la logique. On se reportera toutefois avec beaucoup d’utilité à La Norme du vrai de P. Engel, et aux différents ouvrages de P. Gochet. Mais pour le sujet traité ci-dessus, les références principales sont en anglais et incluent pour une vision générale, d’un abord facile, les livres de Susan Haack et, d’un abord technique, les mises au point sur différents aspects de la logique et différentes logiques alternatives présentés dans les tomes du Handbook of Philosophical Logic édité par Dov Gabbay.


  1. classique et non-classique
  2. Il y a plusieurs grands systèmes logiques formels. En fait, dès que l’appareil logique " classique " a été formulé, se sont présentés des logiciens qui ont cherché à l’améliorer, à le modifier ou le remplacer. Un exemple instructif est celui de l’histoire du conditionnel matériel, anticipé par les Stoïciens, l’ " implication matérielle " a été formalisée par Frege en 1879 et Russell et Whitehead en 1910, puis dotée d’une sémantique par Post en 1921 et Wittgenstein en 1922. Dès 1880 cependant, MacColl insistait sur la nécessité d’une forme de conditionnel plus stricte ; l’"implication stricte " a été formalisée par Lewis en 1918 ; et sa sémantique donnée beaucoup plus tardivement par Kripke, Hintikka, Kanger.

    Mon axe sera ici de trouver une sorte de perspective sur la grande variété des systèmes logiques, de poser des questions concernant la manière dont ils sont reliés les uns aux autres. Ma stratégie sera de partir des différentes manières dont l’appareil logique classique a été modifié, et la manière avec laquelle il a cherché à résister ou à intégrer ces pressions non-classiques. On risque, en suivant cette stratégie, d’adopter un point de vue conservateur implicite, donnant la part belle à la logique-standard, par rapport aux logiques non-standard. Il faut avoir conscience de ce risque et se rappeler aussi de cet autre fait que ce que nous nommons la logique classique est une innovation par rapport à ce Kant désignait en 1800 comme la science logique achevée, depuis Aristote… Etc, etc sur ce thème.

  3. réponses aux pressions pour changer le formalisme standard

Les pressions pour changer le calcul standard bivalent et le calcul des prédicats du premier ordre viennent de leur apparente inadéquation à la formalisation de certains arguments informels. Il y a eu essentiellement 5 types de réponse.

  1. ces arguments informels sont hors de la portée de la logique. Par exemple les pressions pour faire une logique du non-sens, peuvent être écartées en disant que les phrases dénuées de sens ne sont pas du ressort de la logique. Ce type de réponse renvoie au problème de la délimitation de la portée de la logique (quelle est la province de la logique).
  2. Des arguments informels problématiques peuvent être incorporés dans la portée de la logique en maintenant en place l'appareil standard. La théorie russellienne des descriptions réduit à l’idiome quantificationnel de premier ordre les arguments reposant apparemment sur des descriptions définies. On peut appeler cette stratégie : paraphrase. On ramène la forme grammaticale des arguments informels problématiques à leur forme logique classique. Mais cette stratégie repose sur le présupposé que les phrases ou les arguments ont une forme logique.
  3. Une réponse voisine, mais différente, est d’incorporer les arguments dans la portée de la logique, de conserver l’appareil traditionnel au niveau syntaxique, mais de modifier l’interprétation de l’appareil formel. Un exemple est le problème des engagements ontologiques apparents du calcul des prédicats. Si on donne une interprétation substitutionnelle des quantificateurs, au lieu d’une interprétation objectuelle (et si des termes vides sont des choses que l’on peut " substituer "), la neutralité ontologique du calcul des prédicats est préservée. On peut appeler cela la stratégie d’innovation sémantique.
  4. L’appareil formel peut être étendu de sorte à obtenir un formalisme applicable à des arguments informels qui étaient jusque-là inaccessibles à un traitement formel. Par exemple de nouveaux opérateurs peuvent être ajoutés — des opérateurs temporels ou des opérateurs modaux par exemple — avec des axiomes ou des règles qui les gouvernent. Ou les opérations habituelles peuvent être étendues pour traiter de nouveaux produits : des phrases impératives ou interrogatives par exemple. On peut appeler cela la stratégie d’extension.
  5. A l’inverse l’appareil formel peut être restreint. Le vocabulaire reste le même, mais ses règles et axiomes sont diminués de telle sorte que les théorèmes et les inférences classiques cessent d’être valides. Par exemple, des questions liées aux anomalies de la physique quantique a conduit à certaines révisions de la loi de distributivité par exemple. On peut appeler cela la stratégie de restriction. Son résultat est la création d’une logique déviante (Haack).
  6. Parfois de nouvelles formulations étendent et restreignent conjointement l’appareil formel. Elles ajoutent de nouveaux opérateurs et de nouveaux principes ; et en même temps restreignent les principes gouvernant les anciens opérateurs. ‘Les logiques relevantes’ ajoutent un nouveau conditionnel mais rejettent des lois classiques, comme le modus ponens pour le conditionnel matériel.

    La typologie ci-dessus est un peu artificielle. En particulier les modification syntaxiques et les modification sémantiques vont généralement de paire. Une meilleure caractérisation serait de dire. Les extensions de la logique sont généralement des réponses à une inadéquation du formalisme standard, et les restrictions à une incorrection de celui-ci.

  7. Les innovations du formalisme sont parfois accompagnées — et même motivées par — des innovations au niveau des concepts métalogiques. Les Intuitionnistes (qui proposent une certaine restriction de l’appareil formel) le font parce qu’ils n’acceptent pas le concept de vérité présupposé dans la logique classique.
  8. Dans une démarche diamétralement opposée à i), on peut en venir à questionner la conception standard et la portée et le but de la logique. Une telle démarche est assez souvent associée à une remise en cause des méta-concepts classiques. Ainsi les Intuitionnistes non seulement restreignent le calcul propositionnel, de telle sorte que p Ú Ø p, par exemple, n’est plus un théorème, et non seulement modifient la conception traditionnelle de la vérité, ils souscrivent également à une conception différente du rôle de la logique, qu’ils considèrent comme secondaires par rapport aux mathématiques. = Révision de la portée de la logique.

(ensuite détailler quelques exemples : logique du vague / logique modale / logique intuitionniste)


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