Agrégation : Leçons de philosophie


L'HUMANITÉ



C. La condition humaine.

1. Plasticité de l'humanité : l'humanisme.

a. L'humanisme se présente comme ce moment de l'histoire de la pensée qui a posé le problème de la définition de l'homme comme problème de la culture (au double sens du génitif : d'un côté, la définition de l'homme est un problème pour la culture, de l'autre, la définition de l'homme est l'objet de la culture en acte). De Guarino de Vérone (un des premiers pédagogues italiens du XIVe siècle, qui est avec Vittorino da Feltre et quelques autres à l'origine de la rénovation des studia humanitatis) jusqu'à Érasme ou Mélanchthon (qui jettera les bases de toute la réorganisation moderne du système universitaire allemand à la veille de l'âge classique), l'homme de la Renaissance se rêve en précepteur de l'humanité (là encore, au double sens du génitif : l'humaniste enseigne à l'humanité sa propre humanité).

Pourtant la conception pédagogique de l'humanité que porte l'humaniste semble au premier abord singulièrement formelle : pourquoi l'humanité se tiendrait-elle dans un certain rapport aux Belles-Lettres ? En quoi la restitution des lettres antiques, la défense de la belle forme latine (puis vernaculaire) ou la correction du style ont-elles à voir avec la définition même de l'humanité ?

C'est d'une part qu'il ne s'agit pas seulement de grammaire, mais aussi de figuration : dans la belle forme de la langue et du savoir, c'est la mise en forme de l'homme lui-même qui est en jeu. Fondamentalement, la formation philologique et rhétorique contient l'idée d'une humanité qui est en puissance dans chaque homme, et que la culture a pour tâche de faire éclore et s'épanouir. Ainsi la nature ne suffit pas, quoique ses dispositions soient indispensables ; et la culture ne suffit pas, quoique sa discipline soit indispensable :

Le principe universel de la félicité humaine réside essentiellement en trois choses : la nature, la méthode et l'exercice. J'appelle nature une aptitude et une disposition profondément implantée en nous pour ce qui est bien. Par le terme de méthode, je désigne une connaissance reposant sur des avertissements et des préceptes. Par exercice, j'entends l'usage de cette habitude que la nature a instaurée et qu'a développée la méthode. La nature a besoin de la méthode, et l'exercice, s'il n'est pas dirigé par cette dernière, conduit à des erreurs et à des dangers sans nombre. Ils se trompent donc lourdement, ceux qui pensent qu'il suffit de naître ; non moins grave est l'erreur de ceux qui croient que l'on acquiert de la sagesse à force d'entreprendre et de traiter des affaires sans recourir aux préceptes de la philosophie. (Érasme, De pueris statim ac liberaliter instituendis (De la nécessité d'éduquer précocement et libéralement les enfants), 1509, trad. J.-C. Margolin, in Oeuvres Choisies, R. Laffont, collection Bouquins, 1992, p. 497-498).

Cette conception de la paideia est au fond de ce qui motivera la pensée de Kant : passer de la considération d'une naturalité physique du genre humain à celle de la liberté comme sens moral de l'humanité, c'est envisager l'accès à une majorité rationnelle de l'humanité, la valeur morale de cette « Bildung » étant entièrement contenue dans la forma humanitatis elle-même (à noter : de Luther à Kant, de Hegel ou Nietzsche à Heidegger, le concept de cette Bildung demeure à l'horizon de toute pensée de l'humanité). Mais cette conception de la formation suppose une conception singulière de la plasticité humaine : il faut en effet penser l'humanité comme un processus toujours en cours dans chaque homme. Quelle conception de l'essence de l'homme est-elle nécessaire à une telle pensée de l'humanité ?

b. La plasticité de l'homme est un thème ancien de la philosophie, du mythe d'Epiméthée (Platon, Protagoras) à l'Oratio de Dignitate hominis de Pic de la Mirandole (fin du XVè siècle). Pic représente en effet l'homme comme un être sans limite, placé « au milieu du monde », chargé de fournir sa propre définition de lui-même. La prosopopée du Dieu créateur (le « parfait artisan ») au début de l'Oratio vaut la peine d'être intégralement citée :

"Je ne t'ai donné ni place déterminée, ni visage propre, ni don particulier, ô Adam, afin que ta place, ton visage et tes dons, tu les veuilles, tu les conquières et les possèdes par toi-même. La nature enferme d'autres espèces en des lois par moi établies. Mais toi, que ne limite aucune borne (nullis angustis cohercitus), par ton propre arbitre, entre les mains duquel je t'ai placé, tu te définis toi-même (tu (...) pro tuo arbitrio (...) tibi illam definies). Je t'ai mis au milieu du monde, afin que tu puisses mieux contempler autour de toi ce que le monde contient. Je ne t'ai fait ni céleste ni terrestre, ni mortel ni immortel, afin que, souverain de toi-même, tu achèves ta propre forme librement, à la façon d'un peintre ou d'un sculpteur. Tu pourras dégénérer en formes inférieures, comme celles des bêtes, ou, régénéré, atteindre les formes supérieures, qui sont divines." (Pic de la Mirandole, Sur la dignité de l'homme, in Oeuvres Philosophiques, ed. et trad. O. Boulnois, PUF, p. 5-7).

Mais cette puissance de l'homme qui est puissance d'auto-formation concerne-t-elle l'humanité toute entière ? N'est-ce pas, pas un retour de la mise en garde platonicienne, une simple généralisation du soi qui dans l'humanisme vient prendre la place d'une véritable pensée de l'humanité.

c. La question de l'universalité de l'homme est précisément celle de Montaigne. Mais Montaigne a un rapport double à la forme de l'humaine condition : d'une part, il vise l'humanité dans l'universalité de sa condition, d'autre part il la figure par la variété de ses conditions. Comment concilier ces deux tendances apparemment contradictoires, celle de la forme universelle et celle du relativisme radical ?

On trouve une première formulation de la position de Montaigne, qui va appréhender l'humanité à partir de la variété, à l'occasion d'un éloge de l'histoire :

L'homme en general, de qui je cherche la cognoissance, y paroist plus vif et plus entier qu'en nul autre lieu, la diversité et verité de ses conditions internes en gros et en destail, la varieté des moyens de son assemblage et des accidens qui le menacent (Essais, II, 10, p. 416).

Mais, à travers cette mosaïque, le livre de Montaigne a pourtant un objet universel (pour une analyse des rapports entre l'individuel et l'universel chez Montaigne, dans l'optique de leur source nominaliste, voir A. Compagnon, Nous, Michel de Montaigne, Seuil, en particulier ch. II, p. 21 sq.) :

On attache aussi bien toute la philosophie morale à une vie populaire et privée que à une vie de plus riche estoffe : chaque homme porte la forme entiere de l'humaine condition. (II, 2, p. 805).

La tâche de l'humanisme telle que Montaigne la postule ici (plutôt qu'il ne la définit) consisterait donc à saisir l'humanité dans l'universelle particularité de ses variations. Il s'agit dans la « condition » humaine de penser le caractère générique d'une disposition infiniment plastique et, dans cette généricité (plutôt que généralité) même, de saisir une variabilité essentielle à partir de laquelle l'humanité se choisit. Mais il n'y a pas de forme de cela, ou bien en un sens très lâche et fort peu utile pour notre entreprise : n'est-on pas en train de dissoudre l'humanité dans une vague apologie de la fluidité des expériences et des possibilités de l'homme ? En particulier, n'est-on pas en train de perdre cette « notion du juste et de l'injuste » qui semblait fonder l'humanité dans une éthicité à accomplir ?

La réponse de Montaigne doit être prise très au sérieux : « les autres forment l'homme : je le récite » (III, 2, p. 804). De l'humanité il n'y aurait donc plus que des histoires, et pas de connaissance ? Non : la nature humaine est contingente :

Nous n'avons aucune communication à l'estre, parce que l'humaine nature est toujours au milieu entre le naistre et le mourir, ne baillant de soi qu'une obscure apparence et ombre (II, 12, p. 601).

Cela ne signifie pas que la nature humaine est inconnaissable, mais, de façon plus complexe, que ce n'est pas comme nature que l'homme atteint la connaissance de sa propre humanité. Montaigne entend donc donner tout son poids à la notion de condition qui prime sur celle de nature pour appréhender l'humanité de l'homme. Affirmer que l'humanité est condition et non nature, c'est affirmer que la connaître c'est d'abord la figurer, c'est-à-dire en engendrer une image : elle n'existe pas avant de se produire.

d. Au fil de ces positions de l'humanisme, en tant qu'elles préparent et soutiennent le discours de la dénaturation de l'homme, c'est le concept de condition humaine qui « émerge » comme alternatif à celui de nature pour penser l'humanité. Quel sens philosophique donner à ce concept ? Quelle postérité lui trouver ? En quoi le fait d'aborder l'humanité du point de vue de la formation peut-il déterminer la pensée moderne (c'est-à-dire, ici, européenne et post-classique) de l'humanité comme pensée de la condition ?

La condicio est au XIIè siècle la formule d'entente préalable à la conclusion d'un pacte (de cum-dicere : s'accorder pour décréter). Mais, par ailleurs, le latin connaît également le mot conditio, quoiqu'il soit doté d'une étymologie totalement différente : la conditio, c'est le fait de fonder (condere) et d'établir. L'humaniste qui emploie l'expression « condition humaine » parle en même temps du fondement de l'humanité et de sa « conditionnalité », c'est-à-dire de sa conventionnalité. Le terme est lui-même une sorte d'oxymore philosophique dans lequel se conjoignent l'institution naturelle de l'humanité comme disposition fondamentale et l'institution conventionnelle de l'humanité comme choix circonstancié. Dès lors, appréhender l'humanité comme condition humaine, c'est exprimer clairement le partage de cette disposition et de son actualisation pratique comme constitutif de l'humanité : autrement dit, l'humanisme (comme philosophie de la « pédagogie de soi » qui caractérise l'homme) est le nom de ce moment philosophique de l'histoire des idées pendant lequel on a saisi et défini ensemble dans l'humanité le fondement universel et la circonstance singulière.

Cela signifie que penser l'humanité à partir de la seule nature universelle de l'homme, c'est appréhender un être de raison antérieur et extérieur à toute humanité réelle ; tandis qu'appréhender l'humanité à partir de la seule circonstance singulière de sa réalisation, c'est borner l'humanité à une collection de variations singulières. On va alors retrouver au terme du parcours un problème soulevé dès son prologue : celui de l'objectivité nécessaire d'une définition de l'humanité, telle qu'elle semblait s'imposer à la lecture du Politique.

2. L'humanité comme projet (Sartre vs. Heidegger).

a. C'est dans le débat entre Heidegger et Sartre que l'on peut mesurer le plus finement ce qui est en jeu dans l'humanisme, précisément parce que leurs deux positions philosophiques se déterminent dans l'assomption (ou dans le refus de l'assomption) de ce qui est durable dans cette appréhension paradoxale de l'humanité de l'homme. D'un côté, Sartre reprend effectivement l'enseignement de l'humanisme, qui tient à la possibilité de former l'humanité dans la figuration d'un sujet libre. C'est de cette figuration que Sartre tire les conséquences métaphysiques les plus radicales : si chez Montaigne « chaque homme porte la forme entiere de l'humaine condition », Sartre en tire une conséquence qui semble reprendre dans la plasticité même de l'homme l'essentiel de l'enjeu éthique que l'on a placé dans l'humanité, et cette conséquence prend la mesure du danger soulevé dès la lecture du Politique (c'est-à-dire le danger de pure généralisation du soi) :

(...) quand nous disons que l'homme est responsable de lui-même, nous ne voulons pas dire que l'homme est responsable de sa stricte individualité, mais qu'il est responsable de tous les hommes. Il y a deux sens du mot subjectivisme, et nos adversaires jouent sur ces deux sens. Subjectivisme veut dire d'une part choix du sujet individuel par lui-même, et, d'autre part, impossibilité pour l'homme de dépasser la subjectivité humaine. C'est le second sens qui est le sens profond de l'existentialisme. Quand nous disons que l'homme se choisit, nous entendons que chacun d'entre nous se choisit, mais par là nous voulons dire aussi qu'en se choisissant il choisit tous les hommes (L'existentialisme est un humanisme, Nagel, p. 24-25).

On a dans cette longue citation de quoi reprendre les principaux éléments du problème soulevé avec Platon. Le reproche de l'Étranger à l'encontre de Socrate le Jeune, dans le Politique, tenait essentiellement au fait que ce dernier avait défini l'homme en « se choisissant lui-même » comme critère de cette définition, position éminemment sophistique. Contre cette position qui, aux yeux de Platon, est littéralement anti-philosophique, il s'agissait implicitement de réclamer la définition objective du genre humain non pas par généralisation d'un soi immanent au sujet connaissant, mais bien par appréhension logique d'un genre de l'humanité saisi comme par un sujet connaissant extérieur à l'humanité. Mais cette exigence se heurte à deux obstacles :

  • du point de vue du Politique lui-même, ce type de saisie logique du genre humain est dénoncé par l'Étranger lui-même, à l'occasion du fameux mythe du Politique (268d-275c), comme ne relevant pas de la connaissance humaine : en effet, la définition de la science politique que la méthode dichotomique a permis de fournir (et, partant, la définition de l'humanité qui était comprise dans cette définition de la science politique) relève au sens strict d'une autre époque, mythique, de l'histoire de l'humanité. Elle ne convient qu'à un art pastoral divin, qui définissait effectivement la science politique lorsque la « vigilance divine » (274e) gouvernait le monde. Symétriquement, la définition objective du genre humain pouvait alors en effet être produite « de l'extérieur » puisqu'elle était au fond l'objet de la connaissance du dieu lui-même. Mais pour les hommes « d'aujourd'hui » (sc. les hommes historiques et non plus mythiques) une tell définition n'a pas de sens, puisqu'aucun d'entre eux ne se trouve détaché de sa propre humanité au point de pouvoir l'objectiver. C'est de cette rupture interne que Sartre prend acte, en la projetant sur toute la conception classique de l'humanité comme nature stable :
  • L'homme, tel que le conçoit l'existentialiste, s'il n'est pas définissable, c'est qu'il n'est d'abord rien. Il ne sera qu'ensuite, et il sera tel qu'il se sera fait. Ainsi, il n'y a pas de nature humaine, puisqu'il n'y a pas de Dieu pour la concevoir (L'existentialisme..., op. cit., p. 22).

  • d'autre part, et du point de vue de Sartre lui-même, l'accusation de l'Étranger n'a pas de sens, parce qu'elle confond deux concepts du subjectivisme. Le subjectivisme de la définition de l'humanité ne signifie pas en effet « choix du sujet par lui-même » mais « caractère indépassable de la subjectivité humaine ». Autrement dit, il est impossible de définir l'humanité autrement que depuis l'immanence même du sujet humain ; ou encore : le fait même d'être humain précède toujours en acte l'effort de définition de l'humanité, en tant que cet effort ne peut être la tâche que d'un homme.

b. Ainsi l'humanité se saisit toujours d'abord comme le fait même de l'exister humain pour chaque homme (ce qu'Heidegger nomme, dans Être et Temps, la « mienneté » de la réalité humaine -- das Jemeinigkeit des Daseins). Sartre donne la formule ramassée de cette antériorité de l'exister humain sur la pensée de l'humanité (que cette pensée cherche à saisir son objet comme genre ou comme nature) :

(...) nous voulons dire que l'homme existe d'abord, c'est-à-dire que l'homme est d'abord ce qui se jette vers un avenir, et ce qui est conscient de se projeter dans l'avenir. L'homme est d'abord un projet qui se vit subjectivement, au lieu d'être une mousse, une pourriture ou un chou-fleur ; rien n'existe préalablement à ce projet ; rien n'est au ciel intelligible, et l'homme sera d'abord ce qu'il aura projeté d'être (Sartre, op. cit., p. 23).

C'est là le sens principal de la formule selon laquelle pour l'homme « l'existence précède l'essence ». Cette conception de l'humanité, loin de remettre l'homme à la pure variété des choix subjectifs, assume pleinement l'éthicité de l'humanité, puisque l'homme ainsi conçu est inconditionné -- ou, plus exactement, le fait de l'humanité comme condition humaine libère l'homme de toute détermination intelligible a priori de sa propre humanité, et lui remet en mains propres le choix de ce qu'il sera. Seulement ce choix n'est pas une pure décision de la volonté singulière : s'y joue, toujours, la détermination du tout de l'humanité. Dans chaque choix subjectif de mon humanité

(...) j'engage non seulement moi-même, mais l'humanité toute entière (...). Ainsi je suis responsable pour moi-même et pour tous, et je crée une certaine image de l'homme que je choisis ; en me choisissant, je choisis l'homme (op. cit., p. 27).

Voilà le sens de cette figuration que l'on trouvait chez Montaigne : il s'agit de poser d'abord le fait circonstancié de l'existence (la condition humaine comme composé indissoluble de convention et de fondement), et de figurer l'humanité à partir de ce fait même, en tant que dans toute figuration le fait circonstancié se projette au-delà de lui-même et forme l'humanité même.

A ce titre le reproche de Heidegger contre Sartre (et contre l'humanisme en général) est instructif : Heidegger doute, dans sa réponse à Beaufret, de la nécessité même d'accorder un sens nouveau à l'humanisme, puisque l'humanisme n'est pour lui que le nom d'une métaphysique occidentale qui s'est enfermé dans la pensée du sujet par méconnaissance de la question (plus radicale) de l'Être (Lettre sur l'Humanisme, Tel, p. 77). Or cette conception crase les deux sens du subjectivisme que Sartre distingue dans L'existentialisme..., et redescend ainsi par une voie strictement « irrationaliste » (Lettre..., p. 69) en-deçà de la Jemeinigkeit des Daseins d'Être et Temps.

Conclusion

Si l'on a d'abord cherché à saisir sous le concept d'humanité une définition positive de l'essence de l'homme, c'est au nom d'un effort d'intelligibilité qui ne se trouve pas trahi par la conclusion de l'étude : en effet, en recomprenant l'humanité comme le projet d'une figuration éthique du genre humain qui se joue chaque fois dans le fait même de l'exister, on ne perd pas l'intelligibilité de l'humanité, mais on admet au contraire qu'il est possible de considérer une humanité intelligible sans le secours d'une quelconque essence de l'homme.

L'humanité ainsi comprise n'est donc pas l'objet d'une définition mais bien d'une figuration ou, en d'autres termes, il n'y a pas tant dans le fait d'être un homme d'essence de l'humanité que de processus de l'humanisation : l'humanité n'est jamais rien d'abord, elle devient et advient toujours dans les actes de chaque homme. C'est au prix de cette pensée que l'on peut finalement reconquérir et comprendre l'enjeu éthique de l'humanité, qui fait le fond de la compréhension commune du mot : agir « par humanité » ne signifie ainsi rien d'autre que le fait d'agir au point de vue de l'engagement moral total qui se joue dans le plus minime de nos mouvements.

L'humanité, c'est alors l'exigence de conscience de cet enjeu qui réside dans tous les instants de nos vies : nous ne vivons ni n'agissons dans l'être, mais seulement dans le passage (Montaigne), compte tenu de ce que dans le flux de ce passage entre naître et mourir, toute notre existence se déroule sub species humanitatis.