Agrégation : Leçons de philosophie


PUNIR


Conclusion


Le dernier mot de l'analyse de cette mutation, qui reprend au fond les avertissements de Protagoras pour les inscrire dans l'conomie moderne de la punition, pourrait se trouver dans la Colonie Pnitentiaire, de Kafka. Punir y devient en effet la forme essentielle et vide du fonctionnement de l'institution.

Dans la logique de la punition ne se joue pas seulement l'articulation de l'utilit sociale la possibilit morale en l'homme : avant de constituer une pdagogie de la communaut, punir est un acte qui la fonde en tant qu'il ne se rsume jamais au geste mme et au moment mme de la punition, mais au contraire se dissmine dans les mes et les corps en permanence. Le corps social est, en permanence, un corps puni, un corps sur lequel s'inscrit la sentence qui est aussi la loi. Le nouveau geste du punir est analogue celui de la Machine de Kafka qui crit la loi dans la chair mme du condamn : supplice sans visibilit et presque sans souffrance montre, puisque son sens n'est sensible que de l'intrieur.

Punir, c'est alors crire la loi sur le corps de la socit : ds lors punir n'a plus rien voir avec la culpabilit ou avec l'innocence. En extension du principe de "prvoyance" expos par Protagoras, le punir doit toujours anticiper toute faute singulire pour viser l'ensemble de la socit dans sa capacit subir la contrainte d'une norme. C'est le lien social lui-mme qui s'atteste dans le punir, et rtroactivement c'est le lien social qui prend la forme abstraite du punir, un punir sans auteur ni bras arm, un punir dont chacun finit par devenir le sujet et l'objet.



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Deuxième partie / Troisième partie
Conclusion